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ton si bas qu’il semblait venir du fond de sa poitrine, et il est au vent !

— Que veut dire cette subite oloffée, Monsieur ? Il faut que M. Hasard tienne ses voiles pleines, ou nous n’avons pas de chance.

Gardiner jeta les yeux du côté de Hasard et vit qu’il pesait sur le gouvernail, car il éprouvait beaucoup de résistance. Alors il vit la vérité et il cria :

— Tout va bien, mes garçons ! Que Dieu soit loué ! nous rencontrons un contre-courant.

Ce peu de mots expliquait la raison du changement ; le schooner avait trouvé un contre-courant d’une rapidité de quatre ou cinq nœuds, qui le poussait au vent avec une force irrésistible. Comme s’il avait eu la conscience du danger qu’il avait couru, le petit vaisseau s’éloigna des rochers et doubla la seconde pointe, qui semblait avoir été placée là pour le détruire. Il réussit parfaitement dans cette manœuvre, à la distance très-rassurante de cent brasses.

Dix minutes après avoir rencontré le contre-courant, le schooner traversa la passe. Stimson se montra en homme dans lequel on pouvait avoir confiance. Il pilota habilement le vaisseau derrière l’île où s’élève le cap, l’amena dans une petite anse et jeta l’ancre. Il y avait en cet endroit cinquante brasses d’eau avec un fond de vase.

Ayant la certitude qu’il aurait assez d’eau, même à la marée basse, et que ses ancres tiendraient, Roswell fila assez de câble pour mettre son vaisseau tout à fait en sûreté.

Voilà donc le Lion de Mer d’Oyster-Pond, que le lecteur a vu près du quai du diacre Pratt, il y a à peine, trois mois, mouillé dans un bassin de rochers derrière le cap Horn. Il n’y avait que des chasseurs de baleines qui pussent avoir la pensée de conduire leur vaisseau dans un tel endroit ; mais c’est une partie de leur mission de se précipiter dans tous les canaux et dans toutes les passes où personne n’a été auparavant. C’est ainsi que Stimson était parvenu à découvrir ce mouillage. Quelle que fût l’agitation des vagues au dehors, le schooner jouissait d’un grand calme.