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— Vous rappelez-vous cet endroit ? demanda le jeune capitaine au vieux matelot.

— C’est bien là l’endroit, Monsieur et si nous pouvons doubler ces rochers, je vous conduirai dans un mouillage où vous serez en sûreté. Nous sommes entraînés avec une rapidité effrayante, et le courant nous pousse !

— C’est le remous, répondit Roswell avec calme. Nous nous rapprochons de ce point d’une manière effrayante.

— Avançons, Monsieur, avançons, c’est notre seule chance ; il est possible que nous nous frottions aux rochers et que cependant nous passions.

— Si cela nous arrive, nous sommes perdus, il n’en faut pas douter. Si nous doublons ce point, il y en a un autre un peu plus loin que nous ne pourrons pas éviter ; je le crains. Voyez, la passe s’ouvre devant nous à mesure que nous approchons.

Stimson voyait le nouveau danger et l’appréciait dans toute son étendue. Cependant il ne parlait point ; car, pour dire la vérité, il perdait en ce moment tout espoir, et ayant des sentiments religieux, il priait. Tous les hommes de l’équipage se rendaient exactement compte de la gravité du danger, et tous paraissaient oublier celui qu’offrait la pointe de rocher vers laquelle ils se trouvaient entraînés avec une rapidité prodigieuse. On pouvait doubler cette pointe ; il y avait quelque espoir mais quant à la pointe qui se trouvait à un quart de mille au delà, le marin le plus ignorant voyait combien il était difficile de l’éviter.

Un silence imposant régnait à bord du schooner au moment où il passa devant les premiers rochers. Il s’en trouvait à cinquante brasses, sous le vent ; et quant à l’autre pointe rocheuse, tout dépendait de la distance où l’on se trouvait des dangers qui pouvaient se présenter. C’est ce qu’il était impossible de calculer au milieu du chaos des eaux produit par le choc des vagues et de la terre. Roswell avait les yeux fixés sur les objets qui étaient en face de lui, pour se rendre compte de la dérive, et, avec la promptitude d’un marin :

— Le schooner sent le contre-courant, Stephen, dit-il d’un