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supposa que l’animal voulait lui livrer un combat et l’attaquer avec sa formidable mâchoire ; mais il paraît que le caprice où l’alarme avaient seuls déterminé ce mouvement car après s’être rapprochée à cent mètres de la chaloupe, la baleine tourna et se dirigea au vent en balayant les vagues avec sa formidable queue. C’est ainsi que tous les poissons de cette espèce s’ouvrent un chemin à travers les eaux, leur queue étant admirablement adaptée à cet usage.

Comme les hommes d’équipage avaient mis beaucoup d’activité à retirer la ligne lorsque la baleine se remit à nager au vent, ils avaient amené la chaloupe à quatre cents pieds environ de cet animal.

La baleine, dans la poursuite à laquelle elle se trouvait livrée, n’avançait pas encore avec toute la rapidité dont elle était capable, quoique cette rapidité excédât six nœuds.

Quelquefois la vitesse de sa fuite diminuait, et se trouvait réduite à moins de la moitié de celle que nous avons indiquée. Lorsqu’un de ces repos arrivait, la chaloupe s’approchait de plus en plus du poisson, et elle se trouva enfin à cinquante pieds de sa terrible queue. On n’attendait plus qu’une occasion pour se servir de la lance. Les pêcheurs de baleines disent qu’un taureau de mer de l’espèce des spermaceti, n’offrant comme résultat au commerce, qu’une quarantaine de barils d’huile, est l’adversaire le plus dangereux auquel on puisse avoir affaire. Voilà peut-être pourquoi Roswell Gardiner ne craignait pas de suivre de si près une baleine qui pouvait donner cent barils d’huile.

Il y avait cependant, dans les mouvements de cet animal, des indices qui devaient lui inspirer beaucoup de prudence. Il se trouvait maintenant à deux lieues des schooners, et à moitié de cette distance des autres chaloupes, dont aucune n’avait encore rencontré de poisson. On imputait cette dernière circonstance à la difficulté qu’éprouvaient les différents officiers à faire leur choix. En s’attaquant au mâle, Roswell avait montré son jugement, par la raison que celui-ci offre à ses vainqueurs beaucoup plus de profit que la femelle.