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donna la triste certitude que le schooner dérivait de toute sa longueur en moins de deux minutes.

Le seul espoir qui restât était que les pattes des ancres s’attachassent à un meilleur terrain que celui qu’elles avaient rencontré jusqu’alors. Le fond n’était que du sable très-dur, ce qui n’offre jamais à un bâtiment les mêmes chances que la vase. D’après les calculs de Roswell Gardiner, le schooner, dans une heure au plus, devait être jeté sur les brisants. Le Lion de Mer de Holmes-Hole était au vent de la longueur d’un câble lorsque cet accident arriva à son compagnon, et à un demi-mille environ au sud. Dans ce moment même les brisants couraient, pour ainsi dire, au-devant du schooner et le forçaient à virer. Cette manœuvre eut lieu en tournant le vaisseau vers le sud, et il se dirigea, non sans de grands efforts, vers son compagnon. Le virement lui avait fait perdre assez de terrain pour le mettre sous le vent du vaisseau qui était à l’ancre et le rapprocher du danger.

Roswell Gardiner se tenait sur son gaillard d’arrière, suivant des yeux avec anxiété la dérive de l’autre schooner, à mesure qu’il approchait en luttant contre des vagues, qui étaient presque aussi blanches que les brisants qui menaçaient les deux vaisseaux d’un désastre inévitable. Le vaisseau à l’ancre, quoique dérivant, s’avançait avec tant de lenteur que sa marche servait à marquer la course rapide et continue du Lion de Mer du Vineyard vers un sort qui n’avait rien de douteux. Gardiner pensa d’abord que Dagget allait raser la proue de son bâtiment, et il trembla pour ses câbles, qui se montraient de temps en temps au-dessus de l’eau comme des barres de fer, à la distance de trente ou quarante brasses. Mais le schooner du Vineyard était entraîné sous le vent avec une trop grande rapidité pour qu’il fît courir ce nouveau danger à son compagnon.

À la distance d’un câble, on aurait dit que le Lion de Mer du Vineyard allait passer à côté de son compagnon ; mais avant que ce court espacé fût franchi on s’aperçut que ce vaisseau dérivait si rapidement qu’il s’écartait même de la poupe du Lion de Mer d’Oyster-Pond. Les deux capitaines, s’appuyant d’une main sur quelque objet pour s’affermir, et de l’autre tenant avec force leur