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CHAPITRE X.


Cher Hasty-Pudding, quel bonheur inespéré de te trouver en Savoie ! Condamné à errer dans tout l’univers sans patrie, sans asile, toutes mes peines sont oubliées : je serre la main d’un ami !
Barlow



L’hiver tirait à sa fin, et le vingt et unième anniversaire de ma naissance était passé. Mon père et le colonel Follock, qui cet hiver-là vint fumer avec lui plus souvent que de coutume, commencèrent à parler sérieusement du voyage que je devais faire avec Dirck à la recherche des terres concédées. On se procura des cartes, on fit des calculs minutieux, et chaque membre de la famille fut appelé à donner son avis sur la marche à suivre. J’avouerai que la vue du vaste et gros parchemin qui contenait le plan de Mooseridge (le Mont-aux-Rennes), c’était le nom de notre nouvelle propriété, excita certains sentiments de convoitise dans mon esprit. Des ruisseaux circulaient en tous sens à travers les collines et les vallées ; de petits lacs étaient disséminés à la surface ; en un mot l’artiste qui avait dressé le plan n’avait rien omis de ce qui pouvait donner du charme et de la valeur à la propriété[1]. Si c’était une bonne chose d’être l’héritier de Satanstoé, il était encore préférable de posséder en commun avec mon ami Dirck toutes ces vastes plaines, ces collines verdoyantes, ces ruisseaux limpides et ces lacs pittoresques. En un mot, pour la première fois dans l’histoire des colonies, les Littlepage se trouvaient à la tête de ce qu’on pouvait appeler un domaine.

Le premier point à régler, c’était la manière dont Dirck et moi

  1. Il y a quarante ans, un habitant de New-York acheta une grande quantité de terres en friche sur la foi d’une carte. Quand il en vint à visiter sa nouvelle propriété, il se trouva qu’elle était entièrement dépourvue d’eau. L’arpenteur fut appelé, et accusé de mauvaise foi, attendu que sur la carte il y avait de nombreuses rivières. — Pourquoi avoir mis tous ces cours d’eau, quand dans la réalité il n’en existe pas un seul ? demanda l’acquéreur irrité. — Mon Dieu, monsieur, répondit l’arpenteur, est-ce qu’on a jamais vu une carte sans rivières ?