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avec elle, et pas assez pour qu’il en résulte des inconvénients.

— On dit, mon enfant, qu’Anneke n’est pas mal.

— Pas mal, ma mère ! dites donc ravissante ! Beauté, modestie, grâce, délicatesse, piété, elle réunit tout ! c’est un ange à dix-sept ans !

Ma mère parut étonnée de la chaleur avec laquelle je m’exprimais, et son sourire n’en devint que plus significatif. Cependant elle crut ne devoir pas prolonger la conversation sur ce sujet, et elle se mit à me parler de l’apparence de la récolte et de toutes les raisons que nous avions de bénir la céleste Providence. Je présume qu’avec son instinct de femme, elle en avait appris assez pour le moment pour savoir à quoi s’en tenir.

L’été succéda bientôt à ce mois de mai qui tenait désormais une si grande place dans mon existence, et je cherchai de l’occupation dans les champs ; mais rien ne pouvait me distraire de la pensée unique qui m’absorbait : Anneke était partout avec moi. Aussi fus-je bien heureux lorsque Dirck, vers le milieu de la saison, une fois qu’il était venu passer quelques jours avec nous, me proposa d’aller rendre avec lui une autre visite à Lilacsbush. C’était un garçon prudent, et il avait commencé par écrire pour savoir si nous ne dérangerions pas Herman Mordaunt. La réponse ne se fit pas attendre ; elle était aussi affectueuse qu’on pouvait le désirer. On nous attendait avec impatience, et avec d’autant plus de plaisir qu’Anneke et Mary Wallace seraient là pour nous recevoir. J’admirai le sentiment honorable qui avait dicté à Dirck cette démarche franche et loyale.

Nous montâmes à cheval de manière à arriver à Lilacsbush quelques heures avant le dîner. Anneke nous accueillit le sourire sur les lèvres, et les joues animées d’une certaine rougeur ; mais je ne pus découvrir le moindre changement dans ses manières avec nous. C’étaient la même bonté, la même prévenance, les mêmes attentions. Les représentations d’amateurs avaient continué jusqu’au départ du régiment ; et Bulstrode, Billings, Harris, la vertueuse Marcie et toute la troupe étaient en route pour Albany. Anneke, à cause de son départ pour la campagne, n’avait pu voir que trois de ces représentations ; mais elle trouvait qu’il y avait au mois autant à blâmer qu’à louer. Elle n’en rendait pas