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dence du premier ordre ; c’était une de ces maisons solidement construites, à un étage et demi, que les familles les plus distinguées se plaisent à habiter à la campagne, ayant beaucoup de rapports avec mon cher Satanstoé, mais meublée avec beaucoup d’élégance. La salle à manger était un vrai bijou ; les buffets qui étaient dans les coins étaient si bien vernis qu’on eût pu s’y mirer ; la vaisselle plate était d’un travail si parfait qu’elle n’avait pu être achetée qu’en Angleterre ; la porcelaine de Chine, entre les mains d’Anneke, me parut la plus jolie que j’eusse jamais vue ; tout avait un air d’aisance, de propreté, de richesse, qui me frappa singulièrement.

— Anneke, dit Herman Mordaunt pendant le déjeuner, M. Littlepage m’apprend qu’il se propose de voyager dans le nord l’hiver prochain ; le régiment de Bulstrode s’attend de son côté à être envoyé à Albany, de sorte que nous pourrions bien nous retrouver tous encore parmi les Hollandais.

J’essayai de balbutier quelques paroles pour exprimer tout le plaisir que j’en ressentais ; mais je m’en tirai assez mal.

— C’est ce que j’avais cru comprendre, répondit Anneke ; j’espère que le cousin Dirck sera du voyage ?

Le cousin Dirck répondit affirmativement, et l’on parla du bonheur de se retrouver en pays de connaissance si loin de chez soi. De nous tous, Herman Mordaunt était le seul qui se fût éloigné de plus de cent milles du lieu de sa naissance ; je venais ensuite, car Princeton est bien à quatre-vingts milles de Satanstoé.

— Et moi donc, dit Jason avec sa familiarité vulgaire ; dans mon dernier voyage, est-ce que je n’ai pas été plus loin encore de Danbury ? Parlez-moi des voyages pour apprendre mille choses utiles. Je le sais bien par la différence qu’il y a entre York et le Connecticut.

— Et lequel de ces pays préférez-vous, monsieur Newcome ? demanda miss Mordaunt.

— Voilà, miss, — Jason n’en voulait pas démordre, — voilà une question superlativement insidieuse ; car on ne peut se déboutonner sur un pareil sujet sans se faire une foule d’ennemis. New-York est une grande colonie, une très-grande colonie, je n’en disconviens pas ; mais tout le monde sait qu’autrefois elle