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que les dames elles-mêmes aillent à pied ; et je suis convaincu qu’un grand nombre n’iront pas autrement ce soir au spectacle.

— Savez-vous, Littlepage, que je ne désespère pas de vous enrôler un jour dans notre troupe ? Je puis vous répondre, sans vouloir nous flatter, que vous ne vous trouveriez pas en trop mauvaise compagnie.

Je protestai que je serais un acteur détestable, puisque je n’avais pas même la première idée d’un théâtre ; mais mon compagnon n’en insista pas moins ; et, tout en discutant, nous arrivâmes à Crown-street. C’était un quartier assez éloigné ; mais du moins l’air y était excellent.

— Je ne conçois pas M. Mordaunt d’avoir été se bâtir une maison dans le faubourg, dit Bulstrode en frappant à coups redoublés en véritable patricien ; il faut sortir tout à fait de ses habitudes pour venir le voir.

— Ici pourtant les distances ne doivent vous paraître rien auprès de celles de Londres. Il est vrai que là vous avez des voitures.

— Sans doute, mais brisons là. Il ne faudrait pas qu’Anneke pensât que je trouve la course trop longue quand je viens chez elle.

Nous étions les derniers, sauf le tardif M. Harris. La réunion se composait d’une douzaine de personnes. Comme on se voyait tous les jours, les compliments ne furent pas trop longs à échanger, et Herman Mordaunt commença à vérifier si tout son monde était arrivé.

— Il me semble qu’il ne manque plus que M. Harris, dit-il à sa fille ; l’attendrons-nous, ma chère ? Il est souvent si en retard !

— C’est que maintenant c’est un personnage important, dit Bulstrode. Sa naissance lui donne le droit de conduire à table la maîtresse de la maison. Voilà ce que c’est que d’être le quatrième fils d’un baron irlandais ! Le père d’Harris vient d’être anobli.

Personne ne le savait encore, et il en résulta une nouvelle indécision pour savoir si l’on se mettrait à table sans l’attendre.

— À défaut de ce fils d’un nouveau baron irlandais, vous pensez sans doute que je serai obligée de donner la main au fils aîné d’un baronnet anglais, dit Anneke avec un sourire qui tempéra