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la plaine, qui forme le Parc actuel, et où les troupes étaient constamment à manœuvrer ; par la maison de correction, la prison et les casernes ; le tout couronné de hauteurs escarpées, couvertes de maisons de campagne, au pied desquelles se prolongeaient des marécages, des vergers et des prairies, qui donnaient à cette partie de l’île un aspect pittoresque. L’église de la Trinité, l’un des plus majestueux édifices de la colonie, tel qu’il existait alors, avec son architecture gothique et ses belles statues, contribuait pour sa part à la beauté de l’ensemble. Le beau temps était revenu ; le printemps venait de faire son entrée avec son cortège de fleurs. Tout semblait sourire dans la nature, et il était impossible de jouir d’un coup d’œil plus animé.

Au milieu de cette foule qui circulait dans tous les sens, je m’aperçus bientôt que j’excitais quelque attention. En ma qualité d’étranger, je ne devais pas m’en étonner ; car je n’avais pas la vanité de supposer que je pusse y être personnellement pour quelque chose. Ce n’était pas que ma figure et mon air eussent rien de désagréable ; je ne fais pas assez fi des dons de la Providence pour tenir ce langage ; et je suis arrivé à un âge ou je puis dire la vérité, sans qu’on m’accuse de suffisance. Ma mère se plaisait à répéter tout bas dans son petit cercle d’intimes que son Corny était un des plus jolis garçons de la colonie. Je sais que toutes les mères ont un faible remarquable pour leurs enfants, et comme j’étais le seul enfant que la mienne eût conservé, il est probable que la bonne chère âme me voyait avec les yeux de son cœur, et que l’opinion qu’elle avait de son fils provenait uniquement de son affection pour lui. Il est vrai que ma tante Legge s’était exprimée plus d’une fois de la même manière ; mais il est naturel que deux sœurs pensent de même sur un pareil sujet, d’autant plus que ma tante n’avait jamais eu d’enfants.

Quoi qu’il en soit, je fus l’objet d’une assez grande curiosité, pendant que je cherchais de tous côtés dans l’espoir de rencontrer Anneke ; car je pensais sans cesse à sa beauté, à sa grâce, à sa gentillesse, à son amabilité. Dirck me donnait bien quelques inquiétudes ; mais Anneke était sa cousine au second degré, et c’était une parenté trop proche pour qu’on pût songer à les unir. Mon grand-père avait toujours posé en principe qu’on ne devait