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— Le nom me plaît fort, je vous assure, et je suis certain que je raffolerais de votre aïeul, cette bonne et honnête nature anglo-saxonne. Mais il ne veut pas que vous demeuriez éternellement dans cette demeure de Satan…

— De Satanstoé, non, monsieur ; mais du moins jusqu’à ma majorité, que je n’atteindrai que dans quelques mois.

— Sans doute pour vous préserver des grilles de Satan, n’est ce pas ? Ces bons vieillards ont souvent grandement raison. Enfin, si jamais vous changez d’idée, mon cher Littlepage, ne m’oubliez pas. Rappelez-vous que vous avez un ami qui a quelque petite influence, et qui se fera un plaisir de l’employer pour celui qui a sauvé miss Mordaunt. Sir Harry est retenu par la goutte, et il parle de me céder son siège lors de la dissolution ; en ce cas ma recommandation aurait naturellement plus de poids. Savez-vous que j’aime prodigieusement ce nom de Satanstoé ?

— Je vous remercie, monsieur Bulstrode, mais j’avoue que je voudrais ne devoir mon avancement qu’à mon seul mérite, et un homme d’honneur…

— Allons donc, mon cher, où en êtes-vous ? Rappelez-vous Juvénal : Probitas laudatur et alget. Vous êtes trop frais émoulu du collège pour avoir oublié ce vers ?

— Je n’ai jamais lu Juvénal, monsieur Bulstrode, et je n’ai nulle envie de le lire, si c’est là la morale qu’il enseigne.

Bulstrode allait répliquer, quand une certaine miss Warren, qui semblait diriger ses batteries sur le major, intervint heureusement dans ce moment critique.

— Est-il vrai, monsieur Bulstrode, dit-elle, que MM. les officiers aient loué le nouveau théâtre, et qu’ils comptent nous faire la galanterie de donner quelques représentations ? M. Harris vient de trahir une partie du secret, et il nous a laissé entendre que vous pourriez nous en dire bien davantage.

— M. Harris mérite d’être mis aux arrêts pour avoir violé la consigne.

— M. Harris n’est pas le seul à blâmer, répondit Anneke avec calme ; et c’est tout le régiment qu’il faudrait punir, car voilà quinze jours qu’on ne parle pas d’autre chose.

— Allons, il faudra donc faire grâce au coupable. Eh ! bien,