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Dirck me parut au mieux, non-seulement avec le père, mais encore avec la fille. On ne l’appelait que mon cousin, et il était évident que sa cousine était ce qu’il aimait le mieux au monde. Tout cela me tourmentait un peu, je l’avoue. J’aimais Dirck, mais j’aurais préféré qu’il aimât, lui, toute autre personne.

Herman Mordaunt me fit monter un magnifique escalier, puis entrer dans un petit salon parfaitement éclairé. Anneke y était, entourée de cinq ou six de ses jeunes amies et de quelques jeunes gens parmi lesquels il n’y avait pas moins de quatre uniformes écarlates.

Je ne chercherai pas à cacher ma faiblesse : en entrant dans le salon, je me sentis tout troublé ; je ne voyais rien et je ne savais quelle contenance faire. Anneke fit un pas ou deux pour venir à ma rencontre ; mais la pauvre enfant n’était guère moins embarrassée. Elle rougit en me remerciant du service que je lui avais rendu, et s’estima heureuse que son père m’eût trouvé pour me témoigner sa reconnaissance. Elle m’invita alors à m’asseoir, me présenta aux personnes présentes, et me nomma deux ou trois des demoiselles. Celles-ci m’adressèrent de charmants sourires, comme pour me remercier à leur tour de ce que j’avais fait pour leur amie ; et je m’aperçus en même temps que les hommes, notamment les officiers, m’examinaient avec attention.

— J’espère que votre petit accident, qui n’a rien été après tout, puisque vous vous en êtes si bien tirée, ne vous a pas empêchée de jouir du coup d’œil de la fête ? dit un des jeunes militaires des que le mouvement causé par mon arrivée eut cessé.

— Mon petit accident, monsieur Bulstrode ? répéta Anneke avec une petite moue charmante ; croyez-vous donc qu’il soit si agréable pour une demoiselle de se trouver dans les griffes d’un lion ?

— Allons, je me rétracte, et je dirai : votre sérieux accident, puisque vous êtes décidée à vous regarder comme une victime ; mais pas assez sérieux, du moins je l’espère, pour vous avoir empêchée de jouir des amusements de la fête.

— C’est une fête qui revient tous les ans, et que, par conséquent, je suis assez vieille pour avoir vue déjà bien des fois.

— On m’a dit aujourd’hui, reprit un autre officier à qui j’avais entendu donner le nom de Billings, que vous étiez accompagnée