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Jersey, et dans les États plus méridionaux, pour qu’ils en fassent autant pour leur pays. Je ne sais si je réussirai à les décider ; mais pour que du moins les essais que je ferai moi-même ne soient pas perdus, j’ai inséré une disposition expresse dans mon testament pour engager ceux qui viendront après moi, jusqu’à mon petit-fils inclusivement, si jamais j’en ai un, à continuer mon œuvre, et à consigner comme moi par écrit ce qui se sera passé autour d’eux. Peut-être dans deux générations commencera-t-on à publier des ouvrages en Amérique, et alors le fruit de nos travaux communs pourra n’être pas perdu.

Sans doute ce sont des incidents bien simples de la vie privée que je vais raconter ; je ne fais pas de l’histoire, je le répète ; mais je crois intimement que celui qui peint avec fidélité une seule scène d’une seule vie contribue puissamment pour sa part à reproduire la physionomie générale d’une époque. C’est ce que j’entreprendrai de faire, sans me permettre d’autres allusions à des événements d’une nature plus générale que celles qui seront indispensables pour l’intelligence du récit.

Je suis né le 3 mai 1737 sur un col de terre, appelé Satanstoé (l’Orteil de Satan), dans le comté de West-Chester et dans la colonie de New-York ; partie de l’immense empire soumis alors à Sa Majesté George II, roi de la Grande-Bretagne, de l’Irlande et de la France ; défenseur de la foi ; rempart et bouclier de la succession protestante. Avant de parler de ma famille, donnons au lecteur une idée plus précise du lieu de ma naissance.

Un col, dans le langage du West-Chester et de Long-Island, est ce qu’on devrait appeler plutôt une tête et des épaules, si l’on n’avait égard qu’à la configuration du pays. Péninsule serait le mot propre, si nous faisions une description géographique ; mais je préfère employer l’expression locale qui, après tout, est également usitée ailleurs. Le col de Satanstoé contient juste quatre cent soixante-trois acres et demi d’excellentes terres de West-Chester ; et quand la pierre en a été extraite et mise en œuvre, ce sont des terres qui en valent bien d’autres. Il a deux milles de côtes, et produit la quantité ordinaire d’herbes marines pour engrais ; sans compter une centaine d’acres de marais salants. Ce domaine avait été apporté en mariage à mon grand-