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non-seulement ma propriété, mais mon factotum. C’était Jacob, le nègre dont j’ai déjà eu occasion de parler. Anneke Mordaunt, dont la grandi mère était Hollandaise, avait aussi auprès d’elle, à la fête, une négresse de son âge, qui s’appelait Mary. C’était une grosse réjouie aux lèvres rouges, aux dents de perles, aux yeux noirs, qui n’aimait qu’à rire, et dont sa jeune maîtresse, plus calme et plus sérieuse, avait parfois beaucoup de peine à réprimer les écarts.

Nous étions à nous promener, comme je le disais, quand Mary accourut vers Anneke, les mains étendues et les yeux tout écarquillés, en criant avec une force qui nous mit nécessairement tous dans la confidence :

— Oh ! miss Anneke ! quel bonheur, maîtresse ! qui jamais l’aurait pensé !

— Parlez, Mary, et abstenez-vous de ces sottes exclamations, dit doucement sa jeune maîtresse, qui n’aimait pas à se voir donner ainsi en spectacle.

— Voyez un peu, mistress ! ces nègres ont envoyé tout là-bas dans leur pays, et ils ont fait venir un lion pour la fête !

C’était là une nouvelle en effet ! Aucun de nous n’avait jamais vu de lion. Les animaux sauvages étaient alors très-rares dans les colonies, à l’exception de ceux qu’on prenait dans nos forêts. J’avais bien vu quelques ours bruns, des loups en quantité, et une panthère empaillée ; mais jamais je n’avais regardé au nombre des choses possibles que je me trouvasse si près d’un lion vivant. Mary pourtant avait raison, à une seule circonstance près : il n’était pas littéralement exact que l’animal eût été pris expressément pour l’occasion. C’était la propriété d’un baladin qui avait aussi un singe très-agile et très-amusant. Le prix d’entrée était d’un quart de dollar pour les grandes personnes ; les enfants et les nègres ne payaient que moitié. Quand toutes les informations préalables furent prises, il fut convenu que tous ceux qui pourraient rassembler assez d’argent et de courage entreraient ensemble pour contempler le roi des animaux. — Je dis, de courage ; car il en fallait à de jeunes novices pour se trouver en présence d’un lion vivant.

Le lion était renfermé dans une loge placée au milieu d’une