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Nos nègres demeuraient presque toujours sous le même toit que leurs maîtres, ou, si leur habitation était séparée, ce qui arrivait quelquefois, elle était du moins rapprochée de celle du reste de la famille. Chez les Hollandais particulièrement, ils étaient traités avec une grande bonté, à la campagne, on les consultait souvent sur les travaux à faire ; à la ville, presque toutes les branches du service domestique leur étaient dévolues exclusivement.

Nous restâmes une grande demi-heure à considérer un groupe d’Africains. On voyait qu’ils se sentaient reportés aux scènes de leur enfance, tant ils prenaient part avec ardeur à ces jeux à moitié sauvages. Les nègres nés en Amérique les regardaient avec un intérêt évident. C’étaient pour eux des espèces d’ambassadeurs de la terre de leurs ancêtres, venus pour leur retracer les usages et les superstitions qui caractérisaient plus particulièrement leur race. Ils cherchaient même à les imiter, quoique ces efforts fussent souvent burlesques, malgré le sérieux qu’ils y mettaient. Ce n’était pas du tout une caricature qu’ils voulaient faire ; ils ne cherchaient au contraire qu’à manifester leur respect et leur affection.

Pour ne point laisser s’effacer toute trace de cette génération, je parlerai d’un usage qui était presque général chez les Hollandais et qui a été adopté par quelques-unes des familles anglaises qui se sont alliées avec eux. Ainsi, je citerai les Littlepage, et ce fut à mon occasion que cet usage fut pratiqué. Voici en quoi il consistait. Quand un enfant de la famille arrivait à l’âge de six à huit ans, un jeune esclave du même âge et du même sexe lui était donné avec de certaines formalités, et dès lors ils contractaient ensemble une espèce d’alliance indissoluble. Du moins elle n’était jamais brisée qu’en cas d’inconduite grave, et, tout aussi souvent, de la part du maître que de celle de l’esclave. Ainsi, par exemple, un dissipateur peut être obligé de se défaire de ses nègres ; mais l’esclave dont je parle sera le dernier qui le quittera. Les nègres qui se conduisent vraiment mal sont envoyés dans les îles où ils travaillent aux plantations de sucre, ce qui paraît une punition très-suffisante.

Le jour où j’atteignis ma sixième année, un petit esclave me fut donné de la manière que j’ai décrite, et il devint, il est encore,