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CHAPITRE V.


Qui veut acheter mes beaux fruits, mes beaux fruits du Rockoway !
Cris de New-York



Jason se renferma pendant quelque temps dans un silence complet ; il se sentait blessé dans sa dignité ; et quand il ouvrit les lèvres, ce fut pour lâcher une dernière bordée contre cette abominable drogue hollandaise. Pourquoi l’appelait-il hollandaise ? Je n’en vois pas d’autre raison que l’aversion qu’elle lui inspirait.

Je ne tardai pas à rejoindre Dirck, et nous nous rendîmes tous les trois sur les quais, admirant les divers bâtiments qui les bordaient. Vers neuf heures nous remontâmes Wall Street, et déjà presque tous les habitants du voisinage étaient échelonnés dans la rue pour jouir du bonheur des nègres qui, avec leurs bonnes figures toutes luisantes, couraient de tous côtés à la fête. Notre passage excita quelque attention ; trois étrangers ensemble, c’était quelque chose de remarquable, et nous ne pouvions nous attendre à passer inaperçus.

Après avoir montré à Jason quelques-uns des principaux édifices, nous sortîmes de la ville, nous dirigeant vers une vaste plaine où, pendant longtemps, on avait fait faire l’exercice aux soldats, et qui maintenant, je ne sais trop pourquoi, s’appelle le Parc ; peut-être quelque jour méritera-t-elle ce nom. C’était là qu’avait lieu la fête qui était déjà très-animée.

Ce spectacle n’avait rien de nouveau pour Dirck ni pour moi ; mais Jason n’avait pas la plus légère idée de rien de pareil. Il y a, je crois, peu de nègres au Connecticut ; et encore ce petit nombre est-il moulu si fin, si fin, dans le moulin puritain qu’ils ne sont ni chair ni poisson. Jamais on n’a entendu parler dans la Nouvelle-Angleterre d’une fête qui n’eût pas un rapport direct avec les saints ou avec la politique

Jason fut d’abord scandalisé du bruit, de la danse, de la musique, des jeux de toute espèce qui avaient lieu autour de lui.