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qui m’apprenait l’heureuse arrivée de la famille, et qui m’invitait à venir déjeuner le lendemain avec eux. J’avais reçu dans l’intervalle deux lettres d’Anneke où respirait la tendresse la plus dévouée, quoique les expressions en fussent tempérées par la délicatesse naturelle à son sexe. À peine le messager était-il parti, que, cédant pour la première fois de ma vie à un mouvement romanesque, je me mis en route pour aller coucher à l’auberge bien connue de Kingsbridge, afin d’être plus près de l’objet de toutes mes affections, et de n’avoir plus le lendemain qu’un court trajet à faire pour être auprès d’elle.

— Votre servante, monsieur Littlepage, me dit la bonne hôtesse dès qu’elle m’aperçut ; comment va le vénérable capitaine Hugh Roger, et le major, votre respectable père ? Bien, n’est-ce pas ? je le vois à votre sourire. On est bien heureux de voir ceux qu’on aime bien portants. Mon pauvre cher homme a joui d’une très-mauvaise santé tout l’hiver dernier, et je crains bien qu’il n’en soit de même l’hiver prochain. J’aurais cru que vous alliez à la noce à Lilacsbush, monsieur Corny, si, au lieu de vous arrêter chez moi, vous aviez été droit à la maison de M. Mordaunt.

Je tressaillis ; mais je supposai que la nouvelle de l’événement qui se préparait avait transpiré ; et que, pour cette fois et sans tirer à conséquence, les caquets du voisinage avaient mis en circulation une vérité.

— Ce n’est pas ce motif qui m’attire, mistress Léger ; mais j’espère me marier un de ces jours, de manière ou d’autre.

— Je ne voulais pas parler de votre mariage, monsieur, mais de celui de miss Anneke avec ce lord Bulstrom. C’est un grand parti pour les Mordaunt, après tout. Le valet de chambre du baronnet vient souvent ici boire du cidre nouveau, qu’il dit aussi bon que le cidre d’Angleterre, ce qui n’est pas un petit éloge dans la bouche d’un homme qui ne trouve rien de bien dans les colonies. Thomas dit donc que c’est une affaire arrangée, et que la noce doit avoir lieu au premier jour. Elle a été différée à cause du deuil de miss Wallace qui vient de perdre son mari dans le mois de miel, ce qui fait qu’elle conserve son nom de fille. Il paraît que c’est l’usage en pareil cas.