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qui s’était passé entre Anneke et moi. La joie de ma mère fut partagée par toute la famille.

Mon retour à Satanstoé avait eu lieu à la fin du mois de juillet. Les Mordaunt ne devaient être à Lilacsbush que vers le milieu de septembre ; j’avais donc près de deux mois à attendre cet heureux moment. Je passai ce temps de mon mieux. Je cherchai à m’intéresser à notre vieille propriété de Satanstoé, et à former des plans de bonheur qui devaient s’y réaliser avec Anneke. C’était une belle ferme, productive, admirablement située, entourée d’eau de trois côtés, et ayant un verger ou venaient en abondance des pommes, des pêches, des abricots, tels qu’on n’en eût pas trouvé dans tout l’univers. On dit que les provinces un peu plus au sud, telles que New-Jersey, la Pensylvanie, Maryland, etc., l’emportent sur nous pour la qualité des pèches ; quant à moi, je n’ai jamais mangé de fruits comparables à ceux de Satanstoé. Il n’est pas une prairie, pas un mur, pas un arbre, pas une motte de terre du bon vieux domaine qui ne me soient chers. Une seule chose me peine. C’est qu’on veuille substituer au nom qu’il porte depuis si longtemps celui de Dibbleton, pieux diminutif de Devil’s Town, Ville du Diable. Depuis que les troupes de l’Est ont commencé à venir de ce côté, on s’attaque avec acharnement à nos vieux noms hollandais, que les Anglais, venus directement d’outre-mer, avaient généralement respectés. Le changement, le changement toujours et partout, voilà quelle semble être la devise de ces provinces. Nous autres, de New-York, nous nous contentons de faire comme nos ancêtres ont fait avant nous ; et je ne vois pas en quoi nous en sommes plus ridicules. Que ceux qui veulent changer soient libres de le faire ; le changement est quelquefois une amélioration ; mais que du moins aussi on puisse rester tel que l’on est, quand on se trouve bien. Voilà pourquoi je tiens tant au nom de Satanstoé : il vient de mes ancêtres ; c’est témoigner du respect pour leur mémoire que de le maintenir ; et j’espère bien que tous les Yankees de la chrétienté réunis ne parviendront pas à le changer en celui de Dibbleton.

Ce fut un beau jour que celui ou un domestique à la livrée d’Herman Mordaunt vint n’apporter une lettre de son maître