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briquent des nouvelles, quand ils n’en ont pas à colporter. On pense bien que ma tranquillité n’en fut nullement troublée, et que je ne m’amusai même pas à tirer mistress Léger de son erreur.

Je n’ai pas besoin de dire quel accueil me fut fait à Satanstoé. Ma bonne mère ne pouvait s’arracher de mes bras, ni rassasier ses yeux du plaisir de me voir. Mon père était attendri jusqu’aux larmes. Le capitaine Hugh Roger, avec ses soixante-dix ans, n’avait plus la fibre extrêmement sensible ; mais il me serra cordialement la main, et il écouta mon récit de l’expédition avec l’intérêt d’un soldat qui avait servi lui-même dans des temps plus heureux. Il me fallut recommencer plus d’une fois les détails du combat, et il en fut de même des aventures à Ravensnest. Après le dîner, ma mère me prit à l’écart.

— Corny, mon cher enfant, me dit-elle, vous ne m’avez rien dit de particulier sur les Mordaunt. Voyons ! n’avez-vous rien à me confier ?

— Il me semble, ma mère, que je vous ai parlé de notre rencontre à Albany, de nos aventures sur la glace, enfin de tout ce qui est arrivé à Ravensnest ?

— Sans doute, mon fils ; mais que n’importe tout cela ? c’est d’Anneke que je voudrais vous entendre parler. Est-il vrai qu’elle soit sur le point de se marier ?

— Très-vrai. Je le tiens de sa propre bouche.

— Comment, elle a pu vous le dire elle-même ?

— Mon Dieu, oui, quoique je doive ajouter qu’elle rougit beaucoup en me l’apprenait.

— Voilà qui me confond ! Ainsi donc la vanité et l’ambition peuvent aveugler même les cœurs les plus ingénus !

— Et où voyez-vous de la vanité ou de l’ambition dans le choix qu’a fait Anneke ?

— Mais il me semble que ce M. Bulstrode…

Je n’eus pas le courage de la laisser plus longtemps dans l’erreur, et, me précipitant dans ses bras, je mis fin à ce badinage en lui apprenant toute la vérité. En voyant ma mère fondre en larmes, j’eus regret de l’avoir ainsi tenue en suspens ; je demandai mon pardon, qui m’était accordé d’avance, et je racontai ce