Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/375

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

point partir sans la douce assurance que j’emportais son cœur tout entier et sans partage. Jamais elle n’avait aimé Bulstrode ; elle ne se lassait pas de me le répéter. Pauvre Bulstrode ! sur de mon bonheur, il m’était facile d’être généreux à son égard, et je lui reconnaissais une foule de bonnes qualités qui ne m’avaient pas frappé auparavant. Herman Mordaunt avait demandé qu’on ne dît rien au major ; il se réservait de lui apprendre lui-même prochainement le choix d’Anneke. C’était en effet le procédé le plus convenable.

— Vous savez, Littlepage, à quel point j’avais toujours désiré d’avoir pour gendre M. Bulstrode, me dit-il dans notre dernière entrevue, et vous ne vous en étonnerez pas, si vous réfléchissez que ce projet était arrêté dans mon esprit avant même que je vous connusse ; mais si j’avais quelque préférence pour le major, il paraît que ma fille en avait une bien plus forte encore pour une autre personne, et vous voyez que le père n’est pas un tyran inexorable, puisqu’il a cédé de bonne grâce.

— Croyez, monsieur Mordaunt, que j’apprécie vivement tout ce qu’il y a de généreux et de délicat dans votre conduite. Si je n’ai ni le rang ni la fortune de M. Bulstrode, ce que je puis du moins assurer, c’est que personne n’aime votre fille aussi tendrement que moi, personne ne désire autant de la rendre heureuse.

— J’en suis convaincu, mon ami. Ma fille et vous vous aurez pour le moment une fortune suffisante ; et vos enfants trouveront un jour, je l’espère, une source de revenus abondants dans les domaines de Ravensnest et de Mooseridge. Partez donc tranquille, mon cher enfant ; écrivez-nous d’Albany, et venez nous voir à Lilacsbush au mois de septembre. Vous y serez reçu comme un fils.

Je ne décrirai pas la marche du cortège funèbre à travers les bois. J’accompagnai le corps de Guert à pied avec Dirck jusqu’à la grand’route, où des voitures nous attendaient. À notre arrivée à Albany, nous remîmes les dépouilles mortelles de notre ami à sa famille, et les obsèques se firent avec une grande solennité. L’armoire murée, à côté de la cheminée, fut ouverte, suivant l’usage, et les six douzaines de bouteilles de Madère qui y avaient