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quittait pas un seul instant ; si Dieu a pitié de moi, ce sera grâce à vous !

— Oh ! non, non, Guert, ne parlez pas ainsi, ne pensez pas ainsi ! s’écria Mary Wallace, désolée d’un excès d’attachement poussé à ce point dans un pareil moment ; c’est grâce à la mort et à la médiation de son Fils bien-aimé que nous recevons tous notre pardon ; voilà ce qui peut seul nous sauver, mon cher Guert, et je vous supplie d’y penser sérieusement.

Les idées de Guert parurent un moment confondues ; il ne se rendait pas un compte bien exact de la nature de cette expiation mystérieuse qui échappe à l’intelligence de l’homme abandonnée à elle-même, et qu’il est plus facile de sentir que de comprendre. Mais il se remit bientôt, et sa figure rayonna d’un éclair de joie ; ces mots de « mon cher Guert », dans la bouche de Mary, lui avaient été au cœur, en lui révélant qu’il possédait les affections de la femme qu’il aimait depuis si longtemps presque sans espérance. Guert, plein d’audace et de pétulance dès qu’il s’agissait de quelque folle équipée, avait de lui une opinion plus humble que le chrétien le plus fervent, et il se reconnaissait indigne de l’attachement de Mary, bien qu’il n’eût pas le courage de cesser de l’aimer.

Mary Wallace, une fois livrée aux mouvements de son cœur, mit de côté toute réserve. Pendant toute la matinée, elle resta à genoux, auprès du lit de Guert, comme une mère qui veille son enfant malade. S’il fallait lui donner à boire, c’était elle qui lui présentait la coupe ; s’il semblait avoir la tête trop basse, c’était elle qui s’empressait de relever l’oreiller ; si son front avait besoin d’être essuyé, elle remplissait ce devoir, ne permettant pas que personne intervînt entre elle et le tendre objet de sa sollicitude.

Anneke et moi, nous savions que son plus grand désir était d’amener les pensées du cher malade sur le grand changement qui allait s’opérer. Néanmoins, la tendresse de la femme l’emportait encore même sur l’anxiété de la chrétienne, et elle craignait d’aborder un sujet qui pouvait irriter sa blessure. Enfin, heureusement, pour mettre fin à une angoisse qui n’eût pas tardé à devenir intolérable, Guert fut le premier à ramener la conversation