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que sa position était désespérée. Le souvenir de sa conduite à l’égard de Musquerusque, dont il était devenu plus spécialement le prisonnier, ne lui permettait pas de se faire illusion ; aussi toutes ses pensées étaient-elles constamment dirigées sur les moyens d’obtenir sa liberté autrement que par l’effet d’une négociation dont le résultat n’était pour lui que trop prévu. Depuis l’instant où il avait été conduit hors du ravin, il était sans cesse aux aguets, épiant la moindre occasion d’effectuer son projet. Il arriva qu’un des sauvages se trouva placé devant le nègre dans une position qui permit à celui-ci de tirer de sa gaine le couteau du Huron sans être découvert. J’étais alors auprès de la petite troupe, et tous les yeux étaient fixés sur moi. Guert et lui avaient les bras attachés au-dessus du coude derrière le dos ; et lorsque Guert se détourna pour donner un libre cours à son émotion, Jaap réussit à couper ses liens. Cela eut lieu pendant que les sauvages m’observaient attentivement au moment où je me retirais. En même temps Jaap passa le couteau à Guert qui lui rendit le même service. Les Indiens n’ayant rien remarqué, les prisonniers attendirent un instant, tenant leurs bras comme s’ils étaient encore garrottés, et regardèrent autour d’eux. L’Indien le plus rapproché de Guert avait deux carabines, la sienne et celle de Musquerusque, toutes deux appuyées négligemment sur son épaule, la crosse reposant à terre. Guert montra ces armes ; et, quand les trois chefs étaient sur le point de rejoindre leurs amis, qui guettaient leurs mouvements afin de connaître le résultat, Guert saisit ce sauvage par le bras, et le lui tordit de manière à lui faire pousser un grand cri, puis il saisit une carabine, pendant que Jaap se jetait sur l’autre. Ils firent feu en même temps, et abattirent chacun leur homme ; puis ils se précipitèrent sur les autres à grands coups de crosse. Cette attaque audacieuse, quoique désespérée en apparence, était la seule chance de réussite qu’ils pussent avoir ; car, s’ils avaient tenté de fuir à l’instant, les balles, envoyées après eux, n’auraient pas manqué de les atteindre.

La première nouvelle de cette tentative nous fut transmise par le bruit des coups de fusil. Alors, non-seulement je vis, mais j’entendis le coup terrible que Jaap déchargea sur la tête de Mus-