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après, nous commençâmes à rétrograder tous pas à pas, de notre mieux. Je ne sais néanmoins si nous aurions réussi à atteindre la porte, si Herman Mordaunt ne s’était avancé à la tête d’une demi-douzaine de ses colons. Nous fîmes une décharge générale, et c’en fut assez pour faire disparaître nos ennemis. Nous entrâmes tous ensemble, et la porte fut aussitôt refermée et barricadée avec soin.

Le changement le plus complet s’était opéré dans l’aspect des choses. Le feu était éteint, et une profonde obscurité avait succédé à la clarté rougeâtre des flammes. Les cris, les hurlements, les acclamations, car nos gens avaient souvent répondu ainsi aux provocations de leurs ennemis, avaient cessé. Partout régnait le silence du tombeau. Nos blessés mêmes auraient rougi de faire entendre un gémissement ; et les quatre qui furent transportés dans la maison y entrèrent résignés et tranquilles. Il n’y avait plus à craindre la présence d’ennemis en deçà des palissades, car une traînée de lumière qui commençait à se montrer à l’orient au-dessus de la forêt, annonçait le lever du soleil, et il est rare que les Indiens hasardent une attaque en plein jour. En un mot, la nuit du moins était passée, et nous étions encore protégés par la Providence.

Herman Mordaunt s’occupa alors de reconnaître sa situation exacte, les pertes qu’il avait essuyées, et, autant que possible, celles qu’il avait fait souffrir aux ennemis. Guert fut appelé pour fournir des renseignements ; mais Guert n’avait point reparu ! Jaap aussi était absent. Le jour arriva lentement pendant que nous étions livrés à une anxiété cruelle ; mais il ne nous apporta aucun sujet de consolation. Nous nous hasardâmes bientôt à rouvrir les portes, convaincus qu’aucun Indien n’était resté près de l’habitation ; et, après avoir examiné avec soin tous les endroits où il eût été possible de se cacher, nous sortîmes de la cour avec assurance pour aller chercher les corps de nos amis. Pas un cadavre indien ne fut trouvé, à l’exception de celui du Sauteur. Il était étendu au pied du rocher, et il avait été scalpé, ainsi que les deux colons, couchés sur le sommet. Dirck était pourtant certain qu’il n’avait pu périr moins de six à sept Hurons ; mais les corps avaient été enlevés. Pour Guert et pour