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et se montrer tout à coup dans le rayon éclairé par l’incendie. Que m’eût-il servi de crier pour les mettre sur leurs gardes ? Guert ? avait pris son parti, et il se mettait à l’œuvre avec sa promptitude ordinaire. Presque à la même minute, en effet, la petite troupe faisait feu en même temps avec tant de précision qu’on n’entendit qu’une seule détonation. Un instant de silence solennel suivit ; puis une décharge partit de derrière les troncs d’arbres peu de distance de l’endroit où nous étions, et nos amis, ou du moins ceux d’entre eux qui le purent, se précipitèrent du côté de la porte. Je vis moi-même tomber deux des colons et le Sauteur. Celui-ci fut enlevé littéralement en l’air, et précipité en bas du rocher. Mais Guert, Dirck, Jaap et les deux autres colons, s’étaient éloignés. Ce fut à ce moment que mes oreilles furent assaillies de cris tels que je n’aurais jamais cru que des poumons humains pussent en pousser ; et tous les environs de notre côté semblaient couverts de sauvages. Pour ajouter à l’horreur de cette scène, c’était le moment ou l’on versait à grands flots sur les flammes l’eau qu’Herman Mordaunt avait eu la précaution de faire monter d’avance, et toute clarté disparut comme par enchantement. Sans cette coïncidence providentielle, il est probable qu’aucun de nos compagnons n’eût réussi à s’échapper. Les coups de fusil continuaient à se succéder, mais sans qu’il fût possible de viser d’une manière certaine.

Le combat était alors devenu une mêlée. Les sauvages sautaient par-dessus la palissade en poussant de grands cris, et se jetaient dans l’obscurité au travers de leurs ennemis avec lesquels ils échangeaient des coups terribles. On entendait, au-dessus du tumulte et des hurlements sauvages, la voix mâle et claire de Guert qui exhortait ses compagnons à fendre courageusement la presse, et à se frayer un passage de vive force. Sans-Traces et moi nous déchargeâmes nos carabines sur les Hurons qui étaient le plus près de nous, et certes chaque coup fut mortel ; mais cela ne suffisait pas. Me tenir à l’écart et voir mes amis accablés par le nombre, c’est ce qui m’était impossible, et je fondis avec Susquesus sur l’arrière-garde ennemie. Cette attaque produisit l’effet d’une sortie ; un passage s’ouvrit par lequel Dirck et les deux colons se précipitèrent et vinrent se joindre à nous. Aussitôt