Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inutiles. Mais ce n’était pas pour nous un grave sujet d’appréhension, car la flamme avait pour nous cet avantage qu’elle éclairait au loin la prairie et même le bas des rochers, tandis qu’elle ne s’étendait pas jusqu’à la cour ; de sorte que nos ennemis, s’ils tentaient une attaque, ne pouvaient manquer d’être vus, pendant que nous restions dans l’obscurité. Le seul point véritablement vulnérable était, comme je l’ai dit, du côté du rocher, où la cour n’était défendue que par une palissade basse, quoique assez forte. Heureusement l’emplacement de la citadelle avait été choisi de telle sorte que des prairies on ne pouvait faire feu d’aucun côté sur les personnes réunies dans la cour.

Tel était l’état des choses quand la femme de chambre d’Anneke vint me prier d’aller trouver sa maîtresse, si je pouvais quitter mon poste, ne fût-ce que pour une minute. Je n’avais été chargé d’aucune surveillance spéciale ; je pouvais donc me rendre sans inconvénient à un désir qui me causait tant de joie. Guert qui était près de moi, et qui entendit ce que me disait la jeune négresse, s’informa s’il n’y avait point aussi de message pour lui ; mais, même à cet instant critique, Mary Wallace lui tenait rigueur. Dans la soirée elle avait montré plus de tendresse et d’abandon que précédemment ; mais on eût dit, en même temps, qu’elle se défiait d’elle-même, et il avait été impossible de lui arracher ce qui eût pu être regardé comme un encouragement direct.

Anneke m’attendait dans le petit salon où la veille nous avions eu une si douce explication. Elle était seule, pâle comme la mort, au moment où j’entrai, sans doute parce qu’elle pensait à la lutte qui allait s’engager, et dont elle envisageait les terribles conséquences. Ses joues se couvrirent d’une rougeur soudaine au souvenir de ce qui s’était passé si récemment entre nous. Elle eut pourtant la force de me parler la première.

— Corny, me dit-elle en mettant la main sur son cœur, comme pour en arrêter les battements, je vous ai fait appeler parce que je sentais le besoin de vous parler une dernière fois. J’espère que ce n’est point mal.

— Et pouvez-vous jamais mal faire, ma bien-aimée ? répondis-je en la pressant tendrement sur mon cœur. Ne soyez pas agitée