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ouvrage ; ou bien ne valait-il pas mieux laisser l’ennemi mettre le feu aux matières qu’il avait préparées, avant de nous montrer ? Il y avait beaucoup à dire pour et contre. Sans doute le premier projet était suffisant pour faire avorter la tentative actuelle ; mais, dans toutes les probabilités, une autre serait faite la nuit suivante ; et, en attendant jusqu’au dernier moment, nous pouvions donner aux Hurons une assez rude leçon pour qu’ils ne fussent pas tentés de recommencer.

Il y avait un endroit d’où l’on pouvait voir en plein les matériaux préparés ; c’était une meurtrière qui n’avait été pratiquée que la veille dans une partie du second étage qui s’avançait en saillie, de manière à protéger la partie inférieure du bâtiment. Je courus m’y placer, surveillant ce qui se passait au-dessous de moi. La nuit était obscure, mais il n’était pas difficile de distinguer les matières amoncelées qui s’élevaient déjà, sur un assez grand espace, à plusieurs pieds de hauteur, ni de suivre les mouvements de l’Indien. Au moment où je venais de me poster à la meurtrière, l’Indien s’occupait à mettre le feu aux matières combustibles.

Pendant quelques minutes, Guert et moi, nous l’observâmes attentivement, car le Huron était obligé de prendre les plus grandes précautions, de peur qu’une clarté répandue prématurément ne le trahît. Il alluma les pommes de pin qu’il avait placées au centre de l’amas de bois ; de sorte que tous les matériaux étaient en feu avant que la flamme eût commencé à se répandre au dehors. Nous avions une provision d’eau dans la salle même d’où nous surveillions tous ses mouvements, et nous pouvions à notre volonté, éteindre le feu par notre meurtrière, pourvu que nous n’attendissions pas trop longtemps.

Par suite de notre position, nous n’avions pu jusque-là voir la figure du Huron. Mais lorsqu’il releva la tête pour observer l’effet des flammes, qui commençaient à darder de tous côtés leurs langues fourchues, nous reconnûmes le prisonnier de Jaap, Musquerusque. Cette vue était plus que ne pouvait supporter la philosophie de Guert ; et passant le canon de son fusil par la meurtrière, il tira sur lui sans se donner à peine le temps de viser. Ce fut une sorte de signal, qui mit tout en mouvement ;