Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dant quelques jours, est une chose très-malheureuse pour moi, en même temps qu’un grand bonheur pour vous. Un blessé ne saurait exciter la moitié de l’intérêt de celui qui s’expose à être tué à chaque instant. Oui, oui, c’est un rôle admirable que celui de défenseur ; et, en rival généreux, je vous engage de nouveau, Corny, à en tirer tout le parti possible. Je ne cache rien, moi ; et je vous avertis que je compte bien exploiter ma blessure de mon mieux.

Il était difficile de ne point rire d’un conseil si étrange, quoique évidemment sincère. Bulstrode, malgré toutes ses idées de convention, importées de Londres, était la franchise même, et il était toujours prêt à dire ce qu’il avait sur le cœur. Après être resté encore une demi-heure avec lui à causer des dernières opérations militaires, dont il parla avec beaucoup de sens et de raison, je pris congé de lui pour la soirée.

— Bon courage, Corny ! me dit-il en me serrant la main ; profitez de vos avantages comme vous l’entendrez ; car je vous répète que j’en ferai autant de mon côté. La valeur passée est aux prises avec la valeur présente. Si je n’étais pas personnellement intéressé dans la question, je vous proteste qu’il n’existe personne à qui je souhaiterais plus sincèrement de réussir. Et Bulstrode ne disait que ce qu’il pensait. Il était évident pour moi qu’il se croyait sûr du succès. Son rang, sa fortune, l’appui du père, étaient de puissants auxiliaires que je ne pouvais invoquer. En quittant mon rival, et par une coïncidence assez étrange dans de pareilles circonstances, je trouvai Anneke seule dans le petit salon où l’on se tenait ordinairement. Guert avait réussi à décider Mary Wallace à faire quelques tours avec lui dans la cour, seule promenade qui fût alors possible ; tandis que Herman Mordaunt, M. Worden et Dirck étaient réunis dans la grande salle pour se concerter avec les colons qui étaient venus se réfugier à Ravensnest. Je n’essaierai pas de dépeindre le ravissement que j’éprouvai en la voyant, et il ne fut pas moindre en remarquant la tendre expression de ses yeux, et la rougeur aimable qui couvrait ses joues. La conversation que je venais d’avoir produisit sans doute son effet, car je résolus sur--