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vous ne parleriez pas mieux, n’est-il pas vrai ? Mon Dieu, j’en dirais tout autant de moi ; ce qui n’empêche pas qu’au fond de l’âme nous ne nous flattions également du succès, ou bien nous aurions abandonné la partie depuis longtemps.

— Je vous assure, Bulstrode, que, quels que soient mes sentiments, la confiance n’y entre pour rien. Vous pouvez avoir vos raisons pour penser autrement ; mais, moi, je vous le répète, je n’en ai aucune.

— Mes raisons ? je n’en ai qu’une seule, c’est l’amour-propre, dont chaque homme doit avoir une légère dose pour sa propre satisfaction et pour sa tranquillité d’esprit. Je dis que l’espoir est indispensable à l’amour, et que l’espoir engendre la confiance. Mon raisonnement est très-simple. Écoutez plutôt. Je reçois une blessure, c’est très-bien, une blessure honorable, en bataille rangée, combattant pour mon roi et pour mon pays. On m’apporte ici en litière, en présence de ma maîtresse, portant sur ma personne les marques évidentes des dangers que j’ai courus, et, je l’espère, de ma conduite héroïque. Et vous voulez que ce ne soit pas assez pour qu’une femme se prononce en ma faveur ? Vous n’en trouveriez pas une sur mille qui hésitât un seul instant. Vous ne savez donc pas à quel point les cœurs si bons, si sensibles, si généreux, de nos jeunes Américaines, se fondent à la douce chaleur de la sympathie en voyant les souffrances d’un pauvre diable qu’elles savent qui les adore ? Du moment qu’une femme vous soigne dans une maladie, il y a dix à parier contre un qu’elle finira par vous aimer. Cette blessure est un coup de maître, convenez-en ! mais en amour, comme à la guerre, les stratagèmes sont permis.

— Je comprends facilement votre politique, Bulstrode ; mais j’éprouve plus de peine à comprendre votre franchise. Quoi qu’il en soit, vous pouvez être certain que je n’en abuserai pas. Voyons, à présent, quels sont, suivant vous, les avantages que je puis faire valoir contre vous ?

— Ceux d’un défenseur. Oh ! il y a là de quoi battre en brèche bien des prétentions. Cette maudite attaque des Indiens, qu’on dit être assez sérieuse, et qui peut tenir ces dames en émoi pen-