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pas le temps de recharger nos carabines, il eût été imprudent de s’arrêter. Je ne sortis point du ravin à l’endroit du torrent ; mais, prenant un peu sur le côté, je le quittai en gravissant une petite hauteur qui se trouvait un peu au-dessus du niveau de la prairie. La position était favorable ; j’y étais à l’abri, et je m’arrêtai un moment pour charger ma carabine. Tout en le faisant, je regardai autour de moi pour reconnaître la situation, autant que l’heure et l’obscurité le permettaient.

Dans la plaine on distinguait encore les cendres d’une douzaine de grands feux, c’était tout ce qui restait d’autant de huttes et de granges. La lueur qu’elles jetaient ne servait guère qu’à rendre les ténèbres visibles, et à donner une faible idée des ravages déjà commis. l’habitation principale n’avait point souffert. Elle s’élevait, sombre et ténébreuse ; car, comme elle n’avait point de fenêtres extérieures, on ne voyait qu’une seule lumière qui était placée sans doute dans une meurtrière, comme signal. Un calme, un silence profond régnait dans le bâtiment et à l’entour, et avait quelque chose de mystérieux qui, dans les circonstances actuelles, était un élément de force. Derrière moi, tout était également tranquille, mais cette tranquillité avait quelque chose d’effrayant.

Il fallait pourtant prendre un parti, et s’il pouvait y avoir danger à quitter l’abri que j’avais trouvé, c’était un hasard qu’il fallait courir. Je résolus donc de me diriger en toute hâte vers la porte. D’un bond j’avais descendu la hauteur, et je me trouvais dans la prairie. Devant moi je vis deux hommes dont l’un semblait être fortement tenu par l’autre. Comme ils marchaient, quoique lentement, dans la direction de la maison, je me hasardai à demander : qui va là ?

— Oh ! Corny, mon garçon, est-ce vous ? répondit Guert. Dieu soit loué ! Il ne vous est rien arrivé, et vous voilà à temps pour m’aider à faire avancer ce Huron, contre lequel je me suis heurté dans l’obscurité, et que j’ai désarmé et fait prisonnier. Employez les coups de pied ou les coups de poing à votre choix ; car le drôle se cabre en arrière et me donne un mal de tous les diables.

Je connaissais trop bien le caractère vindicatif des Indiens pour adopter aucun des moyens qui m’étaient indiqués. Je me