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aucun de nous n’espérait arriver à Ravensnest avant la nuit. En effet l’obscurité nous enveloppait depuis près d’une demi-heure, lorsque Susquesus arriva à l’entrée du ravin. Jusque-là rien ne nous avait annoncé la présence d’ennemis. Notre marche avait été silencieuse, rapide, prudente ; mais elle n’avait pas été inquiétée. Nous savions néanmoins que le moment critique était arrivé ; aussi, au coucher du soleil, nous étions-nous arrêtés pour voir si nos armes étaient en bon état.

C’est peut-être ici le lieu de parler de la position de La citadelle d’Herman Mordaunt, comme on appelait son habitation, ainsi que des établissements qui l’entouraient. Elle était à un demi-mille du point le plus rapproché de la forêt, à l’exception d’une ceinture d’arbres qui remplissait le ravin. Les établissements principaux s’étendaient à l’est et à l’ouest sur un espace de plus de quatre milles. Cet emplacement n’avait été défriché qu’en partie, suivant les besoins ; et il restait des portions de forêt vierge disséminées en assez grand nombre sur la surface. À l’extrémité était situé le Lot des Moulins, nom que portait la nouvelle acquisition de Jason ; mais la hache n’y avait pas encore été mise. J’avais remarqué dans ma dernière visite que, de la porte d’Herman Mordaunt, on voyait d’un coup d’œil une douzaine de huttes en bois, dans différentes parties de la propriété, et qu’en changeant de position, on pouvait en apercevoir jusqu’à une vingtaine.

Je n’ai pas besoin d’ajouter que cet espace découvert était plus ou moins encombré d’arbres morts ou renversés, de troncs informes, de branches, de broussailles, comme cela ne peut manquer d’arriver dans les défrichements nouveaux pendant les huit ou dix premières années. Cette période dans l’histoire d’un pays peut être comparée à l’état vague et indécis où nous nous trouvons nous-mêmes lorsque nous avons perdu les grâces de l’enfance sans avoir pris encore les formes accomplies de l’homme fait.

La position occupée par Herman Mordaunt était assez forte, pour qu’il eût pu livrer un combat en rase campagne, s’il eût eu un nombre d’hommes suffisant. Mais c’était à peine s’il pouvait compter sur dix-sept hommes de bonne volonté. Quelques-uns