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sieurs lettres à notre adresse. Il y en avait pour Guert, pour Dirck et pour moi. Une quatrième, de l’écriture d’Herman Mordaunt, était adressée au pauvre M. Traverse. Voici la mienne :


« Mon bon père est si occupé que c’est moi qu’il charge de vous écrire ce billet. M. Bulstrode a envoyé hier un exprès qui nous a appris les tristes nouvelles de Ticonderoga. Il nous a annoncé en même temps son arrivée, et nous l’attendons ce soir. Le bruit court que des sauvages se sont montrés dans nos bois. Je m’efforce de croire que c’est une de ces vaines rumeurs qui ont couru si souvent depuis quelque temps. Mon père n’en prend pas moins toutes les précautions nécessaires, et il vous prie instamment de rassembler votre monde, et de venir nous rejoindre sans délai. Nous avons appris de la bouche de l’envoyé de M. Bulstrode votre belle conduite. Nous savons aussi que vous vous êtes retirés sains et saufs ; son maître ayant eu de vos nouvelles par M. Lee, officier d’un caractère très-original, mais d’un grand talent, à ce qu’il paraît, que mon père se trouve connaître. J’espère que ce billet vous trouvera de retour à l’habitation, et que nous vous verrons tous ici, sans un seul moment de retard.

« Anneke. »


Certes, il n’y avait rien dans ce billet qui fût de nature à satisfaire l’impatience d’un amant, quoique ce fût pour moi une vive jouissance de voir l’écriture d’Anneke Mordaunt, et de pouvoir baiser les caractères qu’elle avait tracés. Mais il y avait un post-scriptum, cette partie de la lettre où l’on dit qu’une femme dépose toujours sa pensée la plus intime. Il était ainsi conçu :


« En vous disant que c’était moi que mon père avait chargée de vous écrire, de préférence à tout autre, je m’aperçois que j’ai souligné le mot moi. C’est que, Corny, nous avons déjà passé ensemble par une scène terrible ; et s’il devait en arriver quelque autre, ce serait une grande consolation pour moi de vous voir avec nous, vous et les vôtres, derrière les retranchements de cette maison, plutôt que de vous savoir exposé sans défense à toutes les attaques, dans la forêt. Venez donc, je vous le répète, le plus tôt possible. »