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mais s’il a tué quelqu’un, il regarde comme à lui ce qui appartenait au mort. À cet égard, il ne diffère guère des soldats civilisés, le pillage étant généralement considéré comme le bénéfice légitime de la victoire. Les Hurons avaient pris la boussole et les instruments d’arpentage ; ils n’avaient laissé que les plans et les notes de Traverse, qui ne pouvaient leur être d’aucune utilité. Sous d’autres rapports, la visite des sauvages dans ce lieu fatal semblait avoir été précipitée.

Dans cette occasion, Guert ne fit ni phrases ni sermon ; le choc avait été trop rude pour permettre cette fois des manifestations de ce genre, et la cérémonie des funérailles fut accomplie avec la sérieuse préoccupation d’hommes qui pensent que le même sort peut leur arriver d’un moment à l’autre. On se mit sérieusement à l’œuvre, et pas une minute ne fut perdue en réflexions inutiles. Aussi fûmes-nous bientôt prêts à partir. Il fut convenu que nous suivrions les traces des Hurons, comme le plus sûr moyen de les surprendre, et par conséquent de ne pas être surpris par eux. L’Indien n’aurait aucune peine à se guider d’après les empreintes qui étaient toutes récentes et qui semblaient avoir été faites par une douzaine d’hommes.

Le lecteur qui ne connaît pas les usages du sauvage d’Amérique ne doit pas supposer que cette troupe avait traversé la forêt sans ordre et sans faire attention à la nature des vestiges qu’elle aurait pu laisser de son passage. Les guerriers indiens n’agissent jamais ainsi. Ils marchent sur une seule file, ordre de marche que nous avons appelé ligne indienne ; et toutes les fois qu’ils ont des motifs sérieux de cacher leur nombre, chacun a grand soin de poser le pied sur la trace même du guerrier qui précède, de manière à déjouer tous les calculs. C’était ainsi que nos ennemis avaient évidemment marché ; mais Susquesus, qui avait examiné attentivement les empreintes qui se trouvaient autour de la source pendant que nous étions occupés à ensevelir les morts, nous déclara que nos ennemis étaient pour le moins au nombre de douze. Cette nouvelle n’avait rien de rassurant, puisqu’une lutte ouverte ne nous offrait aucune chance de succès. C’était du moins mon avis ; mais l’intrépide Guert pensait différemment, et il eût vu devant lui cent Indiens rangés de front