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soupçons à mes compagnons, dès qu’il nous fut possible de parler ou d’écouter.

— Erreur ! dit Sans-Traces d’un ton positif. Le Sauteur est un pauvre Indien, c’est vrai ; il aime le rhum ; mais pas capable de tuer un ami. Musquerusque est le guerrier qui s’est vengé ; c’est bien lui. Non, le Sauteur aime le rhum ; mais ce n’est pas un mauvais Indien.

Mais alors où donc était-il ? Seul de tous ceux que nous avions laissés derrière nous, il restait à trouver. Nous fîmes une longue recherche après son corps, mais sans succès. Susquesus examina les empreintes de pas et les corps, et il en vint à cette conclusion qu’il n’y avait que trois ou quatre heures que l’arpenteur et ses aides avaient été tués, et que les meurtriers, car il nous était impossible d’appeler autrement ceux qui avaient commis de telles atrocités, devaient ne s’être éloignés qu’une vingtaine de minutes avant notre arrivée. Il n’était pas étonnant que nous n’eussions pas entendu les coups de fusil : la distance jusqu’à la hutte était de plusieurs milles, et, deux heures auparavant, nous n’étions pas éloignés de l’endroit où nous avions passé la nuit. Il y avait tout lieu de regarder comme positif que l’attaque avait en lieu de jour : et comme il était également certain que Peter avait été saisi vivant, les sauvages avaient pu obtenir de lui l’indication du lieu où les malheureux arpenteurs l’attendaient. Néanmoins ce n’était après tout que des conjectures, et nous ne sûmes jamais quelle victime avait succombé la première, et si le nègre avait été pris près de l’endroit où nous l’avions trouvé pendu. L’infernale cruauté de Musquerusque avait pu le garder quelque temps prisonnier avant la catastrophe finale, et le promener ainsi à travers la forêt, pour prolonger son agonie, car, suivant l’expression de Susquesus, le dos lui cuisait.

Nous enterrâmes le pauvre Traverse et ses aides près de la source, dans une de ces cavités qui se trouvaient creusées naturellement dans les bois, comme nous avions fait pour le chasseur. Nous reconnûmes que les armes et les munitions avaient été enlevées et les poches des victimes vidées. L’Indien d’Amérique est rarement voleur, dans l’acception ordinaire du mot ;