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sans bruit. Arrivés à l’arbre tous ensemble, nous vîmes Sam, un de nos chasseurs, que nous supposions avec M. Traverse, étendu sur le dos, raide mort ; il avait à la poitrine une large blessure faite avec un couteau ; lui aussi il avait été scalpé !

Le regard que nous échangeâmes entre nous exprimait assez les sentiments que cette nouvelle découverte faisait naître en nous. Susquesus seul fut impassible ; il s’attendait, je crois, à ce spectacle. Après avoir examiné le corps, il se contenta de dire : Il a été tué la nuit dernière.

Il était évident en effet que le pauvre Sam était mort depuis plusieurs heures, et c’était pour le moment un motif de sécurité. Il était rare que les farouches guerriers des bois restassent longtemps près des lieux qu’ils venaient de désoler, mais ils poursuivaient leur course, comme l’ouragan ou la tempête. Guert, toujours prompt quand il fallait agir, me montra une de ces cavités naturelles qui sont si communes dans les forêts, et qui ont pu être formées dans le principe par la chute d’arbres violemment déracinés ; le corps fut déposé dans cette tombe improvisée, recouvert de notre mieux, d’abord d’une couche épaisse de terre, puis de pierres plates ; et des troncs d’arbres furent roulés sur le tout, comme nous l’avions fait à la fosse de Peter. Guert était alors dans un état d’exaltation tel qu’aux prières qu’il avait récitées la première fois avec tant de ferveur, il crut devoir joindre une courte allocution pour terminer la cérémonie ; et ce fut très-sérieusement qu’il s’acquitta de ce pieux devoir ; car, malgré sa légèreté apparente, il y avait en lui un fonds de simplicité et de bonne foi qui le rendait particulièrement susceptible de fortes émotions religieuses.

— La mort, mes pons amis, dit-il en reprenant son accent hollandais qui reparaissait dès qu’il était fortement impressionné, la mort n’annonce pas ses visites ; elle vient, comme un voleur, pendant la nuit, ainsi que vous l’avez entendu dire maintes fois au révérend ; et heureux celui dont les reins sont ceints et dont la lampe est prête. J’espère que vous êtes tous dans ce cas, car il ne faut pas se faire illusion : nous allons avoir une rude besogne. Il n’est que trop évident que les Indiens ont passé par ici et qu’ils sont sur le sentier de guerre, cherchant des chevelures anglaises,