Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/316

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comme un geste expressif accompagnait ces paroles, nous regardâmes dans la direction indiquée. À trois cents pas de nous était un châtaignier que nous pouvions voir depuis ses racines jusqu’à ses branches. Sur la terre, en partie cachée par l’arbre, en partie exposée aux regards, était une jambe d’homme, étendue de manière à faire supposer que l’individu auquel elle appartenait était couché sur le dos et dormait ; elle laissait voir un moccasin, et l’entourage de la jambe était dans le goût indien ; mais la cuisse et tout le reste de la personne étaient cachés. L’œil perçant de l’Onondago l’avait aperçue malgré la distance ; il avait compris sur-le-champ la vérité, et son premier mouvement avait été de se mettre derrière un arbre. Guert et moi, nous eûmes quelque peine, même après avoir été mis sur la voie, à reconnaître l’objet indiqué.

— Est-ce une jambe de Peau Rouge ? demanda Guert en ajustant son fusil, comme s’il allait essayer son adresse.

— Je ne sais, répondit l’Indien ; il y a le moccasin, il y a l’entourage ; je ne puis voir la couleur. On dirait plutôt un Visage Pâle : la jambe est grosse.

Il était difficile de concevoir ce qui pouvait, à une pareille distance, établir pour lui une distinction entre la jambe d’un blanc et celle d’un Indien. L’Onondago nous l’expliqua dans son langage concis et sentencieux.

— L’orteil est en dehors, l’Indien le tourne en dedans ; ce n’est pas du tout la même chose ; le Visage Pâle est gros et l’Indien pas très-gros.

La première remarque était assez juste quant à la manière de marcher, et il était présumable que la même différence existait pendant le sommeil. Guert déclara toutefois qu’il était inutile d’hésiter plus longtemps ; si c’était un Indien, il approcherait tout doucement de lui et le ferait prisonnier avant qu’il eût pu se lever pour se défendre ; et si c’était un blanc, ce ne pouvait être qu’un des nôtres, qui revenait d’une longue course, et qui prenait un instant de repos. Susquesus s’était sans doute assuré de son côté qu’il n’y avait pas de danger immédiat à courir, car il se contenta de dire : — Allons tous ensemble ; — et, sortant de son abri, il se dirigea vers le châtaignier d’un pas rapide, mais