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CHAPITRE XXVI.


C’est par trop horrible ! la vie humaine la plus triste, la plus maudite, celle que l’âge, la misère, la souffrance, accablent le plus, est un paradis auprès de ce que nous craignons de la mort.
Mesure pour mesure.



Nous ne tardâmes pas à arriver à la partie de la forêt où les arpenteurs avaient déjà travaillé, et, guidés par les marques faites sur les arbres, il nous fut facile de nous diriger vers l’emplacement de leurs opérations actuelles. Pendant une heure et demie nous marchâmes d’un pas rapide, Susquesus en avant, toujours silencieux, attentif, aux aguets. Pas une syllabe ne fut prononcée pendant ce temps, quoique tous nos sens fussent sur le qui-vive, et nous évitions avec soin tous les endroits couverts qui auraient pu cacher une embuscade. Tout à coup l’Indien s’arrêta ; l’instant d’après il était derrière un arbre ; prompts comme la pensée, au même moment nous en avions fait autant, car nous savions que, dans la guerre qui se fait au milieu des forêts, le premier soin doit être d’avoir où se cacher, et c’était la recommandation que nous avions reçue dans le cas où nous rencontrerions quelque ennemi. Jusqu’alors, cependant, aucun ne se montrait ; après avoir regardé autour de nous dans toutes les directions, voyant que tout était tranquille et désert comme auparavant, Guert et moi nous sortîmes de derrière nos arbres, et nous rejoignîmes Sans-Traces au pied du pin gigantesque qu’il avait choisi.

— Qu’est-ce donc, Susquesus ? demanda l’Albanien d’un ton sec ; car il commençait à soupçonner l’Indien de chercher à se faire valoir en exagérant ses craintes ; — il n’y a ici ni Visage Pâle ni Peau Rouge ; cessons toutes ces simagrées, et allons en avant.

— Ce n’est pas bon ; guerrier a été ici ; peut-être est il parti, peut-être non. Vous verrez bientôt ; ouvrez les yeux et regardez !