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canot, monté par plusieurs rameurs, eût mis moins de temps à traverser le lac dans toute sa longueur, que nous à franchir, avec deux avirons seulement, les deux tiers de la même distance ; il était également possible que des Indiens, débarqués près du fort William-Henry, fussent arrivés à notre habitation quelques heures avant nous. Mais si tout cela était possible, rien n’était moins probable. Comment des Indiens, venus de si loin, auraient-ils su qu’ils devaient suivre exactement cette route ? Comment auraient-ils découvert la position de la hutte ? En retournant lentement pour rejoindre nos compagnons, je fis part de ces objections à l’Onondago.

— Vous ne connaissez pas l’Indien, répondit-il avec plus de gravité et de sérieux qu’il ne lui était ordinaire quand il discutait avec un Visage Pâle les usages de sa tribu. Il se bat d’abord, puis il cherche des têtes à scalper. Vous avez vu quelquefois un cheval mort dans le bois ; il n’y a point de corbeaux, n’est-ce pas ? les corbeaux y viennent en foule. Ainsi de l’Indien. On transporte des soldats blessés ; l’Indien est aux aguets dans le bois, derrière l’armée, à l’affût d’une chevelure. C’est bon une chevelure, après le combat. Il les aime beaucoup. Le bois est plein de Hurons jusqu’à Albany. L’Anglais a le cœur bas dans ce moment, et le Huron l’a très-haut. C’est si bon une chevelure ! Il ne pense qu’à cela.

Nous étions alors arrivés à la hutte, où je trouvai Guert et Dirck qui se mettaient à table. J’avoue que mon appétit n’était pas aussi bon qu’il l’eût été sans la découverte et les conjectures de l’Onondago. Cependant je pris place à côté de mes compagnons, et je me mis à manger avec eux. Pendant le repas, je leur communiquai ce qui venait d’arriver, et je demandai particulièrement à Guert, qui était plus familier avec la vie des bois, ce qu’il en pensait.

— Si les Hurons sont venus ici récemment, répondit l’Albanien, ce sont de malins démons ; car aucun objet n’a été dérangé ni dans la hutte ni au dehors. J’ai fait moi-même une visite approfondie, dès que nous sommes arrivés, pour m’en assurer ; car il n’était pas sans vraisemblance que les Hurons se fussent répandus sur la route entre William-Henry et les établissements,