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saurait-on autrement équilibrer les dépenses de manière à ce que chaque fieu ait son compte ?

— Il me semble que justice est faite, du moment qu’un père donne à chacun de ses enfants ce qu’il juge à propos de lui donner. S’il veut donner à mon frère quelques centaines de livres sterling de plus qu’à moi, qu’ai-je à dire ? N’est-il pas le maître de sa fortune, et ne peut-il pas en faire l’usage qui lui convient ?

— Cent livres sterling, c’est une somme superlative ! s’écria Jason avec un accent de conviction profonde. Si l’argent vous a été prodigué par si fortes sommes, raison de plus pour que vous vous mettiez à faire quelque chose pour rendre au cher bonhomme la monnaie de sa pièce. Pourquoi ne pas ouvrir une école ?

— Une école !

— Oui, une école. Vous auriez pu reprendre celle de M. Worden, si vous aviez eu quelques années de plus ; mais je la tiens et je la garde. Au surplus, il en manque dans maint et maint endroit. C’est un état superlatif !

— Et pensez-vous sérieusement, monsieur Newcome, que celui qui est destiné à hériter un jour de Satanstoé n’ait rien de mieux à faire que d’ouvrir une école ? Vous oubliez que mon père et mon grand-père ont été officiers.

— Je ne vois pas, moi, ce qu’on peut faire de mieux. Si vous avez des idées si raffinées, demandez une place de professeur dans le collège de New-Jersey. J’ai été sur le point d’obtenir une place de ce genre ; mais j’avais pour compétiteur le fils du gouverneur, et il me l’a soufflée.

— Le fils du gouverneur ! vous plaisantez, monsieur Newcome.

— C’est vrai comme l’Évangile. — Mais à propos, pourquoi donc donnez-vous à la ferme de votre père ce nom vulgaire de Satanstoé ? L’orteil de Satan ! ce n’est pas un mot décent, et cependant je vous l’ai entendu prononcer devant votre propre mère.

— Vous pourrez même entendre ma mère le prononcer cent fois par jour devant son propre fils. Quel mal y a-t-il à cela ?

— Quel mal ! d’abord c’est un nom profane et irréligieux ; ensuite c’est un nom vulgaire et bon tout au plus pour le peuple ;