Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Messieurs, j’honore le courage partout où il se trouve, dit l’officier en bannissant toute contrainte ; et je l’admire surtout dans les habitants de ces colonies lorsqu’il s’agit d’une querelle qui, après tout, est la leur. N’étiez-vous pas auprès du pauvre Howe quand il est tombé si fatalement ? J’espère que nous ferons plus ample connaissance. Quant à M. Bulstrode, il est passé il y a quelques heures, et son intention est d’attendre sa guérison chez quelques parents qu’il a dans cette province. Nous nous reverrons, n’est-ce pas ? Le capitaine Charles Lee sera charmé de vous serrer la main dès que nous serons de retour au camp.

Nous lui exprimions nos remerciements lorsque Susquesus, d’un coup brusque d’aviron, poussa le canot dans la direction du rivage, et mit fin à la conversation.

L’Indien ne dormait plus alors, et il exerçait de nouveau à bord son autorité. Glissant comme une flèche à travers les îles, il nous débarqua bientôt au point précis où nous nous étions embarqués cinq jours auparavant. L’Onondago attacha son petit canot, puis, traversant le ravin, il nous conduisit, après une heure de marche pénible, sur le sommet nu de la montagne où nous avions déjà campé.

Si la nuit avait été si remarquable, le tableau qui s’offrit à nous à la pointe du jour ne l’était pas moins. Lorsque nous arrivâmes au sommet, il pouvait être l’heure où l’Indien m’avait éveillé quelques jours auparavant, et le panorama était à peu près le même, quoique les sensations qu’il causait fussent bien différentes. Comme la première fois, mille embarcations étaient en vue ; une douzaine, tout au plus, étaient arrivées à l’extrémité du lac ; tout le reste de la flottille était disséminé sur la paisible surface de cette immense nappe d’eau, formant une longue ligne de points noirs qui s’étendaient jusqu’à la jetée sous le fort William-Henry d’un côté, et de l’autre aussi loin que l’œil pouvait atteindre. Quel aspect différent présentait cette triste procession de bateaux, se suivant sans ordre, avec celui qu’avaient offert ces mêmes embarcations résonnant des accords d’une musique guerrière, couvertes de jeunes soldats, frais et pleins d’ardeur, qu’animait l’assurance de la victoire ! En regardant ce tableau, je ne pouvais m’empêcher de me figurer toutes les souf-