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— Prendre un canot, c’est le bon moyen. Le canot va, pendant que l’Anglais court.

— Est-ce que vous avez ici le canot dans lequel nous sommes venus ?

L’Indien fit un signe affirmatif, il nous dit de le suivre. Nous ne nous fîmes pas prier ; mais j’avoue que lorsque je le vis se diriger vers l’est, en longeant le lac, je crus un moment à quelque trahison. C’était aller à l’ennemi, au lieu de nous en éloigner, et il y avait quelque chose de si mystérieux dans la conduite de cet homme, que je ne pouvais me défendre de quelque inquiétude.

Il était là, au milieu de l’armée anglaise en déroute, quoiqu’il eût refusé de nous suivre avant la bataille. Rien n’était plus facile que de profiter de la confusion pour se mêler dans ses rangs, et d’y rester des heures entières sans être découvert, pourvu qu’on eût le courage et l’énergie nécessaires, et ce n’était pas ce qui manquait à l’Onondago, qui sous l’apathie apparente d’une Peau Rouge cachait beaucoup de sang-froid et de pénétration.

Néanmoins le plus prudent encore était de le suivre ; et ce fut le parti auquel nous nous arrêtâmes, tout en ayant soin d’avoir le doigt sur le chien de notre carabine, pour être prêts à nous défendre si nous étions conduits dans quelque embuscade. Mais Susquesus n’avait point de mauvaise intention, et l’endroit ou il avait placé son canot était une nouvelle preuve de sa sagacité. Nous eûmes un grand mille à faire avant d’arriver à la petite crique, entourée de broussailles, où il l’avait caché. Il me semblait que nous courions un assez grand danger, en nous avançant autant dans cette direction, puisque les Indiens de l’armée ennemie devaient être à rôder sur les flancs de notre armée, pour chercher des têtes à scalper ; mais je sus bientôt d’où provenait la confiance de l’Onondago, par cette réponse qu’il fit à Guert :

— Pas de danger, dit-il ; l’homme rouge ramasse les chevelures anglaises sur le sentier de guerre. Il y as trop de tués pour qu’il en cherche ailleurs.

Conséquence déplorable de la politique suivie par les deux gouvernements, qui payaient tant par chevelure !

Avant de quitter la crique, une difficulté se présenta. Jaap avait amené avec lui son prisonnier huron ; et l’Onondago déclara