Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas les Américains, il ne saura pas les diriger comme il conviendrait, et puis il n’entend rien à la guerre telle qu’elle se fait sur le continent ; de là des tâtonnements, des erreurs qui peuvent amener de graves conséquences. Howe avait sur Abercrombie la même influence que sur le reste de l’armée ; on va essayer de suivre l’impulsion qu’il avait donnée, mais ni son bras ni sa tête ne sont plus là pour agir et pour conseiller, et je crains que nous n’ayons que trop sujet de nous en apercevoir.

Si ce langage n’était pas très encourageant, il ne pouvait me paraître que très-sensé, d’autant plus que ce n’était pas Bulstrode seul qui parlait ainsi, j’entendais répéter les mêmes propos tout autour de mon. Cependant les préparatifs avançaient, et le 8 était le jour où devait se décider le sort de Ticonderoga. Le fort Proper, qui défend la ville, est situé sur une péninsule, et ne peut être attaqué que d’un côté ; ce côté était protégé par des ouvrages avancés considérables, et l’on savait que la garnison était nombreuse. Comme les ouvrages avancés consistaient principalement en un parapet en bois, dont on pouvait s’approcher à l’abri de quelques bouquets d’arbres, on résolut de chercher à les prendre d’assaut et à pénétrer à la suite de l’ennemi lorsqu’il se retirerait dans l’enceinte intérieure. Si nous avions attendu notre artillerie et que nous eussions établi des batteries, notre succès aurait été infaillible ; mais l’autre projet répondait mieux à l’impatience de toute l’armée, qui brûlait de venger son affront ; elle n’eût pu s’accommoder des lenteurs d’un siège régulier ; il lui fallait en venir aux mains sur-le-champ.

Le 8 juillet de grand matin les troupes furent passées en revue, et l’on se mit en marche pour livrer l’assaut projeté. Le terrain ne permettait guère de faire usage de chevaux, et Bulstrode marcha à pied à côté de nous. Je ne puis rapporter qu’imparfaitement les opérations de cette journée mémorable, les bois me masquant les mouvements des deux côtés ; ce que je sais, c’est que l’élite de notre armée était au premier rang. Le 42e, composé de montagnards écossais, corps qui avait fait grande sensation en Amérique, à cause de la beauté et de l’énergie des hommes qui le formaient, avait été placé à l’endroit où l’on pouvait prévoir que l’affaire serait le plus chaude. Le 55e, autre régiment d’élite, fut