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nombre, en firent d’autres prisonniers, et dispersèrent le reste comme de la paille.

Je n’ai jamais vu d’homme plus animé que le fut Guert Ten Eyck dans cette petite affaire ; la mort de lord Howe, dont il avait fait la connaissance intime à Albany, semblait l’avoir métamorphosé complètement ; ce n’était plus cet homme si gai et si affable en même temps qui nous avait tant amusés, c’était un tigre altéré de sang. Il se mit à la tête de notre petite troupe, et s’élança à la poursuite des Français jusqu’à la vue même de leurs retranchements. Il fallut bien alors s’arrêter et songer à revenir sur nos pas ; mais même alors Guert conserva le même air de défi, et il semblait braver ses ennemis. Une troupe d’Indiens nous serra de près dans cette retraite, et nous aurions couru grand risque d’être tous scalpés, sans la force herculéenne et la résolution de Jaap. Il arriva que, comme nous nous retirions d’arbre en arbre, nos quatre carabines se trouvèrent déchargées en même temps, circonstance dont les Indiens profitèrent pour se précipiter sur nous. Jaap, qui se trouvait en tête, prit son arme à deux mains par le bout, et assomma littéralement l’un après l’autre les trois Indiens qui nous atteignirent les premiers. Cette intrépidité et ce succès nous donnèrent le temps de recharger nos armes, et Dirck, excellent tireur et toujours de sang-froid, étendit raide mort le quatrième Huron en lui envoyant une balle dans le cœur. Guert alors coucha les autres en joue, en disant à Jaap de se retirer ; nos deux carabines les tinrent en respect pendant que nous effectuions notre retraite en bon ordre. Les Peaux Rouges avaient été trop maltraités pour nous poursuivre de très-près après la leçon que nous venions de leur donner.

Une autre circonstance contribua à notre salut. Dans les milices des provinces se trouvait un partisan nommé Rogers ; cet officier commandait un détachement de tirailleurs sur notre flanc gauche. Il se porta rapidement en avant, et les Indiens virent le moment où ils allaient être cernés s’ils continuaient à nous harceler, et cessèrent leur poursuite. Il était temps, car nous avions encore un mille à faire avant d’arriver à l’endroit qu’Abercrombie avait choisi pour faire arrêter ses colonnes et pour camper pendant la nuit ; c’était à deux milles des ouvrages avancés