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prit. Le maître avait coutume de dire au colonel que les progrès de son cher fils étaient lents, mais certains ; et c’en était bien assez pour satisfaire un homme qui avait une aversion instinctive pour ce système de tout faire en courant, si en usage parmi la population anglaise. Le colonel Follock aimait assez que son fils, proportion gardée en raison de l’âge et de l’expérience, n’en sût pas plus que lui.

Quand je retournai à la maison paternelle, l’école venait de changer de mains. M. Worden avait fait un modeste héritage, et il renonçait à l’enseignement, carrière pour laquelle il n’avait jamais eu beaucoup de goût. Mais il ne s’en acquitta pas avec moins de zèle de ses fonctions de ministre, quoique les mauvaises langues aient prétendu que depuis qu’il se voyait à la tête d’un revenu de cinquante livres sterling il en prenait un peu plus à son aise. Il fallait trouver un remplaçant à M. Worden, ou fermer une école qui était le centre de la science dans le West-Chester. On chercha d’abord en Angleterre, mais sans succès ; et il fallut agréer un gradué du collège d’Yale, ce qui n’eut pas lieu sans beaucoup de murmures et de réclamations. À son arrivée, le colonel Follock et le major Nicolas Oothout, autre Hollandais respectable, retirèrent leurs enfants ; et, à partir de ce moment, Dirck ne retourna jamais à l’école.

Le nouveau pédagogue s’appelait Jason Newcome, et comme j’aurai souvent à parler de lui, il est bon que je le fasse connaître à nos lecteurs. La première fois que je le vis, nous nous observâmes d’abord comme deux oiseaux qui viennent percher sur la même branche. C’était New-Haven contre Newark ; et un gradué de Newark était chose aussi curieuse dans le pays qu’un son de la reine Anne, ou un livre imprimé dans le quinzième siècle. Jason était un puritain renforcé en théorie ; mais ses principes fléchissaient au besoin dans la pratique. Ainsi, ce soir-là, je surpris sous son air austère et contrit une expression cachée de contentement, lorsqu’une heure ou deux avant le souper on apporta des cartes et des pipes. Il ne savait trop d’abord quelle contenance tenir, et son regard inquiet semblait demander si c’était bien pour lui que ces innocents plaisirs se préparaient. Quand ma mère eut disposé les jeux sur la table, Jason jeta un coup d’œil derrière