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peut être à propos d’avoir l’œil sur la conduite de cet homme. Après tout, nous sommes entre les mains d’un Dieu tout miséricordieux, et nous avons ressenti les effets de sa protection dans des circonstances plus critiques que celle-ci. »

Cette lettre fut relue plusieurs fois en présence de M. Traverse. Comme nos gens étaient à souper à une certaine distance, et que les Indiens s’étaient aussi retirés, il s’établit entre nous une conversation sérieuse sur les dangers que nous pourrions courir, et sur le plus ou moins de fond que nous devions faire sur l’Onondago.

— Quant au bruit que les bois sont remplis d’Indiens, dit tranquillement l’arpenteur, je suis tout à fait de l’avis d’Herman Mordaunt : on n’aperçoit pas le petit bout d’une couverture, que la renommée n’en fasse bientôt une balle tout entière. Sans doute il y a quelque danger à craindre de la part des sauvages, mais pas autant à beaucoup près que les colons se l’imaginent d’ordinaire. Pour les Français, ils auront besoin de tous leurs Indiens à Ty, je vous en réponds ; car il paraît que le général Abercromhie fait marcher ses troupes contre eux, et qu’ils sont trois contre un.

— Je le sais, répondis-je ; mais n’est-il pas vraisemblable qu’un ennemi habile cherche à le harceler dans sa marche, de la manière qu’on nous signale ?

— Nous sommes à plus de quarante milles à l’est de la route de l’armée ; pourquoi des maraudeurs se tiendraient-ils à une si grande distance de l’ennemi ?

— Même en admettant cette supposition, ils se trouveraient entre nos amis et nous, ce qui n’est pas une perspective très-rassurante. Mais que pensez-vous de l’avis qui nous est donné relativement à l’Onondago ?

— Il pourrait être plus fondé, je l’avoue. C’est mauvais signe ordinairement quand un Indien quitte sa tribu ; et notre coureur est évidemment un Onondago ; je le sais, car le drôle a refusé deux fois du rhum. Du pain, il en prendra toutes les fois qu’on voudra lui en offrir ; mais jamais une goutte de rhum n’a humecté ses lèvres.

— Mauvais signe en effet, répéta Guert d’un ton sentencieux.