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était d’Anneke ou de Mary Wallace. Elle n’était adressée nommément à aucun de nous, mais elle portait uniformément pour suscription : « Aux Ermites de Mooseridge ; » et aucune allusion n’était faite à telle ou telle personne. Sans doute nous aurions préféré une correspondance plus intime, plus personnelle ; mais, telle qu’elle était, nous y trouvions trop de plaisir pour songer à nous plaindre. Un soir que nous étions tous réunis pour le souper, — c’était le second samedi depuis notre arrivée, — une lettre d’Herman Mordaunt nous fut remise ; elle était apportée par Susquesus, et elle contenait, entre autres, le paragraphe suivant :

« Nous apprenons que les affaires prennent un aspect de plus en plus sérieux en ce qui concerne l’armée. De grandes divisions de nos troupes s’avancent vers le Nord, et l’on dit que les Français reçoivent des renforts considérables. Dans notre position, ne nous trouvant pas sur la route directe des troupes, et à plus de trente milles en arrière des anciens champs de bataille, je serais sans crainte, si le bruit ne courait pas que les bois sont remplis d’Indiens. Je sais très-bien que ce sont de ces bruits qui ne manquent jamais de circuler dans les établissements situés près des frontières, dès que des hostilités s’apprêtent ; et qu’on ne doit les admettre qu’avec beaucoup de défiance ; mais il semble si naturel que les Français lancent les naturels dont ils disposent sur les flancs de notre armée pour l’inquiéter dans sa marche, que j’avoue que je ne puis me défendre d’une certaine inquiétude. Nous sommes occupés à ajouter à nos moyens de défense, et je vous engage à ne point négliger la même précaution. Les Indiens du Canada sont, dit-on, plus rusés que les nôtres, et ceux-ci même pourraient bien avoir été travaillés en secret. On disait à Albany qu’il y avait beaucoup d’argent français entre les mains des peuplades des Six Nations ; et qu’on y voyait des couteaux, des tomahawks, et des couvertures françaises en trop grand nombre pour qu’elles pussent provenir du butin ou du pillage. Un de vos coureurs, celui qu’on appelle Sans-Traces, paraît avoir quitté sa tribu, et ces sortes d’Indiens sont toujours suspects. Leur absence tient parfois à des motifs respectables ; mais le plus souvent elle n’annonce rien de bon. Il