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se présenta de mettre à l’épreuve l’intelligence de nos coureurs. Le principal employé de l’arpenteur fut admis à la délibération, qui commença de cette manière :

— Regardez bien ! dit M. Traverse en posant le doigt sur une carte qu’il avait étalée devant lui ; voici la rivière sur les bords de laquelle nous nous trouvons dans ce moment, voici bien le coude qu’elle fait en cet endroit. Il s’agit maintenant de découvrir la butte que voilà, sur laquelle le daim a été tué, et qui fait partie de la concession. Cet extrait du titre de propriété indique comme signe de reconnaissance un vieux chêne noirci dont la cime a été brisée par le vent, et qui se trouve au milieu d’un triangle formé par trois châtaigniers. Ce chêne porte en outre les indications d’usage. — Vous m’avez dit, je crois, Davis, que vous n’étiez jamais venu de ce côté ?

— Jamais, monsieur, répondit Davis ; jamais je n’ai eu occasion de m’enfoncer si avant dans l’est. Mais un vieux chêne placé au milieu de trois châtaigniers, avec les autres signes que vous venez d’indiquer, ne saurait être bien difficile à trouver pour quelqu’un qui aurait la moindre connaissance du pays. Interrogez les Indiens : ils doivent mieux que personne connaître cet arbre, s’ils ont déjà passé par ici.

Connaître un arbre ! Depuis le moment où nous avions pénétré dans la forêt, des arbres étaient rangés par milliers autour de nous. Ils semblaient sortir de terre, à mesure que nous avancions, comme les horizons se succèdent indéfiniment sur l’océan, et cet homme s’imaginait qu’il suffisait d’avoir traversé quelquefois ces sombres labyrinthes où il ne se trouvait pas un seul vestige de civilisation, pour pouvoir distinguer un arbre particulier au milieu de cette multitude innombrable de pins, de chênes et de hêtres ! Néanmoins, M. Traverse ne parut pas regarder le conseil de Davis comme si complètement extravagant ; car, se tournant du côté des Indiens, il leur adressa la parole :

— Voyons, le Sauteur ! demanda-t-il ; connaissez-vous quelque arbre semblable à celui dont j’ai fait la description ?

— Non, fut toute la réponse qu’il reçut.

— Je crains bien alors que Sans-Traces ne soit pas plus savant ; car vous êtes Mohawk, vous, et l’on dit qu’au fond il est Onon-