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liques là où il était, tandis qu’il semblait douter qu’il se trouvât un champ quelconque là où nous allions.

En quittant Ravensnest, notre petite troupe se composait de Dirck et de moi, de Guert, de M. Traverse, l’arpenteur, de trois ouvriers, de Jaap, de Peter, le domestique de Guert, et d’un chasseur, ce qui faisait un total de dix hommes vigoureux et bien armés. Cependant on nous conseilla d’emmener en outre avec nous deux Indiens, qui nous serviraient à la fois comme chasseurs et comme coureurs ou messagers. Une de ces Peaux Rouges s’appelait le Sauteur, dans le langage de l’établissement où nous l’avions pris ; et l’autre Sans-Traces, sobriquet qui lui avait été donné parce que dans ses marches et dans ses voyages il ne laissait après lui aucune trace de son passage. Cet Indien pouvait avoir vingt-six ans ; il passait pour Mohawk, parce qu’il demeurait avec cette tribu ; mais j’appris postérieurement qu’il était Onondago de naissance. Son véritable nom était Susquesus, ou le Crochu, — nom qui pouvait recevoir une interprétation plus ou moins favorable, selon qu’il s’appliquait au moral ou au physique.

— Prenez cet homme, monsieur Littlepage, me dit l’agent d’Herman Mordaunt, que j’avais consulté pour mes derniers arrangements. Il vous sera aussi utile dans les bois que votre boussole, sans compter qu’il est assez bon chasseur. Il est parti l’hiver dernier, comme coureur, lorsqu’il venait de tomber de la neige en quantité ; et l’on essaya de le suivre à la piste, une demi-heure après qu’il avait quitté les défrichements. Ce fut peine inutile. Il n’avait pas fait un mille dans les bois que ses traces étaient perdues aussi complètement que s’il eût voyagé au milieu des airs.

Comme Susquesus avait une réputation de sobriété, qui du reste lui était commune avec tous les Onondagos, il fut engagé, bien qu’un seul Indien eût pu nous suffire. Mais le Sauteur avait été retenu le premier ; et il eût été dangereux, dans notre position, d’offenser un homme rouge, en le mettant à l’écart pour en prendre une autre, quelque indemnité même que nous eussions pu lui offrir. D’après le conseil de M. Traverse, nous les prîmes tous les deux. Le nom indien ou mohawk du Sauteur était Quis-