Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

honte d’épier la physionomie d’Anneke dans un pareil moment, et je me détournai pour que la crainte d’être observée n’ajoutât pas à l’embarras et au malaise qu’elle éprouvait évidemment. J’en vis assez néanmoins pour retomber dans toutes mes incertitudes ; certes, elle était encore plus émue et plus agitée que Mary Wallace, mais elle était toujours plus démonstrative que son amie ; ce que je prenais pour l’effet de la tendresse pouvait n’être qu’un simple témoignage d’amitié ; et puis Bulstrode était un parent après tout.

Les hommes accompagnèrent Bulstrode pour le voir monter à cheval : il nous serra cordialement la main, et il nous dit après être monté en selle : — Cet été-ci sera plus chaud que les derniers : les lettres que je reçois d’Angleterre annoncent qu’il se trouve enfin un homme de talent à la tête des affaires, et que l’empire britannique se ressentira, jusque dans ses extrémités les plus lointaines, de l’impulsion qu’il va lui donner. Vous trois, mes jeunes amis, j’espère que vous viendrez vous enrôler comme volontaires dès que vous apprendrez que nous marchons en avant. Que ne pourrait-on pas entreprendre avec un millier d’hommes comme vous ! car cette aventure sur la rivière a appris à vous connaître. — Dieu vous protège, Corny ! ajouta-t-il en se penchant sur sa selle pour me donner une dernière poignée de main ; il faut que nous restions amis, coûte que coûte.

Il n’y avait pas moyen de résister à tant de franchise et de cordialité ; je lui serrai vivement la main, et Bulstrode s’éloigna lentement, comme avec une sorte de répugnance. Néanmoins j’avais plus que jamais sujet de regretter que l’aimable major fût venu en Amérique ; et je crus que, pour le moment, le parti le plus sage était de ne point presser Anneke de se prononcer, de peur de m’attirer une réponse défavorable.