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— Adieu, bonne Mary, dit-il en prenant la main qui lui était offerte et en la baisant avec une émotion qui autorisait cette liberté, et qui attestait que ce n’était qu’un acte d’amitié et de respect ; je crois que les Catons et les Scrubs trouvent en vous un critique sévère ; mais je vous pardonne tous vos traits malins en raison de votre indulgence et de votre bonté habituelles. Vous avez bien des amis sans doute, mais ce dont je puis répondre, c’est qu’il n’en est aucun qui ait une admiration plus profonde pour vos vertus.

Ce petit compliment fut débité avec autant de naturel que de grâce, et Mary Wallace ôta le mouchoir qu’elle avait porté à ses yeux pour lui faire ses adieux avec la même cordialité. Les étrangers disent que les Américaines manquent de sensibilité, ou que, si elles en ont, elle est cachée sous un masque de froideur qui en détruit tout le charme ; qu’elles sont folâtres et familières comme des enfants quand elles devraient être réservées ; et que, au contraire, elles sont de glace dans les occasions où il y aurait lieu de montrer un peu d’expansion et de chaleur. Ce qui est vrai, c’est que la jeune Américaine n’est point comédienne, qu’elle ne sait pas affecter des sentiments qui ne sont pas dans son cœur ; mais que ses affections, pour n’être pas artificielles, n’en sont ni moins vives ni moins profondes.

Mary Wallace ne chercha point à cacher une émotion qui était toute naturelle ; bonne et sensible comme elle l’était, elle ne pouvait se séparer avec indifférence d’un homme qu’elle connaissait intimement depuis deux ans, surtout lorsqu’il semblait craindre que cette séparation ne pût être éternelle. Elle lui serra vivement la main, lui souhaita le plus heureux voyage, le remercia de la bonne opinion qu’il avait d’elle, et lui témoigna l’espoir que l’été ne se passerait pas sans qu’ils se trouvassent tous de nouveau réunis.

Le tour d’Anneke vint alors ; elle avait son mouchoir sur les yeux, et, quand elle le retira, ses joues étaient pâles et humides ; le sourire qui parut ensuite sur ses lèvres était la douceur même et, je l’avouerai, il me fit mal. À ma grande surprise, Bulstrode ne dit rien ; il prit la main d’Anneke, la serra sur son cœur, la baisa, y déposa un billet, puis s’éloigna en s’inclinant. J’eus