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blir à grands frais avaient pris l’alarme à l’annonce d’une campagne qui allait s’ouvrir tout près d’elles, et elles avaient manifesté l’intention d’abandonner leurs huttes et leurs défrichements, seul moyen, à leurs yeux, de prévenir leur ruine complète. Déjà deux ou trois d’entre elles s’étaient retirées dans la direction des concessions du Hampshire, d’où elles étaient venues primitivement ; elles avaient profité pour cela de la prolongation des neiges, et l’on craignait que d’autres ne suivissent leur exemple.

Herman Mordaunt ne voyait pas l’urgence d’abandonner la conquête qu’il avait eu tant de peine à faire sur le désert. La fatigue d’un double déplacement découragerait ses colons, qui prendraient d’autres habitudes et se fixeraient ailleurs. C’était donc à lui de ne pas renoncer à son ouvrage, et de venir par sa présence leur donner un peu de courage et de confiance. Sa fille et sa pupille, car Herman était le tuteur de Mary Wallace, avaient témoigné un si vif désir de l’accompagner, que, ne voyant aucune apparence de danger, il s’était rendu à leurs instances. La nouvelle seule de son arrivée avait suffi pour calmer les craintes des colons, et pour les retenir à leur poste.

J’ajouterai ici, ce que je ne sus que plus tard et successivement, que Bulstrode avait appris ce projet de la bouche même d’Herman Mordaunt, qui le regardait presque comme son gendre ; et il avait fait ses dispositions. Dès qu’il fut question du départ des troupes, et que divers détachements furent désignés pour aller occuper les points regardés comme les plus importants, il eut soin de se faire donner le commandement de celui qui devait aller le plus près de Ravensnest. Il y trouvait le double avantage de pouvoir visiter la famille Mordaunt à l’occasion, et de se poser en même temps jusqu’à un certain point en protecteur. Dirck et moi, nous n’avions pas fait mystère de notre voyage ni du but que nous nous proposions ; mais nous ignorions qu’Herman Mordaunt eût une propriété si voisine de la nôtre. Cette nouvelle ne nous causa donc pas moins de surprise qu’à Bulstrode.

Ce ne fut, je le répète, qu’à la longue que j’appris ces divers renseignements. Cependant les principaux points furent éclaircis dans la conversation qui eut lieu à l’occasion de la visite de Guert