Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oui, la mère. Ce jeune homme, qui est mon ami, doit partir sous peu de jours, dès que le temps sera sûr.

Bon ! pars avec lui — l’absence fait qu’une jeune femme a le temps de se reconnaître, tandis qu’on ne gagne rien à demander. Pars avec lui, te dis-je ; et si tu entends tirer des coups de fusil, va de ce côté ; la crainte fait quelquefois parler une jeune femme. Tu as ma réponse, et je n’en dirai pas davantage. — Venez ici, jeune possesseur d’une foule de pièces d’or espagnoles, et touchez cette carte.

Je fis ce qui m’était ordonné. La vieille sorcière se mit à marmotter entre ses dents et à parcourir toutes les cartes avec une rapidité extrême. Les rois, les as, les valets, furent examinés l’un après l’autre ; mais quand elle arriva à la dame de cœur, elle la prit dans sa main, et me la présenta d’un air triomphant !

— Voici votre dame. c’est la reine d’une multitude de cœurs. L’Hudson a fait pour vous ce qu’il a déjà fait pour plus d’un pauvre diable. Oui, oui, la rivière vous a fait du bien. Mais on peut se noyer dans les larmes aussi bien que dans l’eau. Méfiez-vous des baronnets.

La mère Dorothée s’arrêta tout court, et il ne fut plus possible de lui arracher une parole, malgré les mille questions que nous pûmes lui adresser. On nous fit signe de nous retirer, et quand elle vit que nous hésitions, elle posa sur la table un écu pour chacun de nous d’un air de dignité, se retira dans un coin, et se mit à piétiner pour témoigner son impatience. Après une manifestation aussi peu équivoque, il ne nous restait plus qu’à partir ; c’est ce que nous fîmes, bien entendu sans reprendre notre argent.